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Critique de berni_29


C'est un beau roman, c'est une belle histoire...
Veiller sur elle, le titre était pourtant une belle promesse et l'invitation aussi à découvrir l'univers littéraire de cet auteur que je ne connaissais pas encore, Jean-Baptiste Andrea. Pour la rencontre, voilà qui est désormais fait ! Pour la promesse, c'est un peu plus compliqué...
Avec beaucoup de délicatesse, Veiller sur elle nous invite à la rencontre de deux destins qui vont s'entrelacer dans l'Italie du vingtième siècle, son fracas et sa fureur.
Il donne la parole au sculpteur de génie Michelangelo Vitaliani, qui revisite l'Italie de ses souvenirs et le chaos du XXe siècle. Michelangelo Vitaliani, c'est Mimo né pauvre et nain. Il va connaître le génie. Sur la route de Mimo, il y a Esméralda dont la rencontre va le toucher au coeur. Non, pardon je me trompe d'histoire, je reprends. Sur la route de Mimo il y a Viola, jeune fille impétueuse, fantasque et intelligente, benjamine de la richissime famille Orsini. J'ai aimé son anormalité.
Pourtant, cette histoire de sculpteur m'a laissé de marbre.
Ils font connaissance dans un cimetière, Viola étant une nécromantique convaincue...
Ils vont traverser l'histoire, traverser les guerres, les heures sombres de l'Italie, être l'un pour l'autre comme deux aimants. Plus ils se rapprochent, plus ils se repoussent.
Nous traversons le siècle tandis que ces deux-là continuent de se guetter, se chercher, s'apprivoiser à chaque retrouvaille...
Le temps passe avec ses griffures, ses fissures qui craquellent les moulures des belles demeures, dépose la moisissure à la commissure des fenêtres et des portes...
Les personnages, malgré l'idée séduisante de départ, malgré leur destin hors du commun, malgré leur différence, malgré leur force et leur fragilité, restent toutefois conventionnels, approchés comme on aborde la surface d'une onde sans jamais y pénétrer.
Et le roman hésite sans cesse entre deux versants, oscillant entre enchantement et réalisme, entre fable onirique et fresque historique, comme si jusqu'au bout l'écrivain s'était posé la seule question qui vaille la peine d'être prononcée : que vais-je faire de mes personnages, où vais-je les amener ?
Moi aussi je me suis posé des questions. Qu'en est-il de la folie de Viola ? J'aurais voulu être saisi du même vertige qui la déploya dans les airs lorsqu'elle voulut imiter un oiseau avec des ailes de papier. Sa présence aura toutefois sauvé mon relatif plaisir à cette lecture, mais quel dommage d'avoir traité ainsi un aussi beau personnage !
Qu'en est-il du génie de Mimo ? On voit peu les traces de son art, l'homme étant parfois difficile à suivre dans sa soulographie quotidienne. J'ai eu l'impression qu'il fréquentait davantage les estaminets que son atelier ou la coupole de San Pietro delle Lacrime et à force, les vapeurs d'alcool me sont montées à la tête...
Au départ, il y avait donc une belle promesse et je m'attendais à une lecture qui m'emporte sur la vague de cette promesse.
L'histoire est belle, originale et aurait mérité qu'on lui accorde un meilleur sort.
Visiblement, Jean-Baptiste Andrea sait raconter de belles histoires, mais ce n'est pas un écrivain de l'intériorité. Cela bavarde beaucoup, cela décrit beaucoup, l'écriture manquant pourtant de souffle, accorde peu de place aux respirations.
J'aurais voulu être touché par la grâce d'une écriture qui m'aurait enveloppé de son étreinte charnelle, un peu comme la grâce d'une pietà qui naît des mains magiques d'un artiste au fond de son antre.
Il y a au coeur de ce texte l'idée folle de voler puis de retomber maladroitement au sol.
Le livre ressemble un peu à cela.
Il m'a manqué ainsi différentes choses qui font que ce livre restera pour moi une lecture ordinaire, plaisante certes, mais ordinaire.
J'ai attendu l'incandescence, le vertige, la lumière qui m'éblouirait, le sortilège qui me terrasserait.
J'aurais aimé trouver des aspérités dans les personnages, tout est un peu lisse ici comme le marbre des statuts.
De temps en temps, une petite phrase qu'on pourrait croire de toute beauté perle comme l'éclat faux d'un diamant ou l'écho d'une métaphore incongrue, vite emportée dans l'ennui des dialogues et le rythme d'un récit convenu.
Si encore les personnages avaient été attachants... En dépit de mon regard épris d'une certaine Viola...
Et si enfin, l'auteur n'avait pas été si complaisant, passant sous silence les pages les plus sombres de l'Histoire du Vatican, tant vis-à-vis du régime de Mussolini que du IIIème Reich...
Je pense que j'oublierai vite ce roman cependant pétri de quelques belles intentions, même s'il ne faut jamais se priver du plaisir d'une lecture divertissante et ce livre aura totalement répondu à mon attente de ce côté-là. Mais ce bonheur passera aussi vite qu'il fut venu, n'altérant en rien le moment que j'ai vécu.
Cette déception me rappelle cruellement que lire un livre, c'est renoncer dans le même espace-temps effrité et non élastique à confier nos humeurs étranges et solitaires au livre qui nous sauvera irrémédiablement de la médiocrité du monde.
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