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Critique de Nastasia-B


C'est à Antoine Galland, contemporain de Louis XIV et redécouvreur des Mille et une nuits, que l'on doit la popularité de cet ouvrage. En effet, Galland, face au succès rencontré par sa traduction des Nuits, a voulu rallonger la sauce avec d'autres contes n'ayant rien à voir, tels Aladdin ou la lampe merveilleuse, Ali Baba et les quarante voleurs ou encore Les Aventures de Sindbad le Marin. C'est donc un ajout tardif d'Antoine Galland, qu'il a abusivement rebaptisé " Mille et Une Nuits ".

À ce titre il faut saluer absolument l'excellente traduction publiée chez Phébus (aujourd'hui Libretto) et la non moins enrichissante présentation ainsi que les notes et commentaires de haut vol de René R. Khawam, qui offrent de véritables éclaircissements et des clefs de compréhensions inestimables. C'est dit.

Ces aventures sont intéressantes à lire, mais pas nécessairement au premier degré. Elles valent, à mes yeux, surtout pour le témoignage historique et ethnographique qu'elles procurent. Ainsi, nous cheminons, vent en poupe sur un vaisseau marchand arabe, au début du IXème siècle, aux quatre coins de l'Océan Indien et même un peu plus loin. Ceci démontre l'extraordinaire connaissance des mers que possédaient déjà les Arabes à cette période. (Pendant la lecture, j'étais toujours fourrée dans mon atlas à constater l'existence de telle ou telle île de l'Océan Indien dont j'ignorais qu'il en était tellement constellé.)

La narration se présente sous forme de récits rétrospectifs à l'occasion de la rencontre de Sindbad le portefaix (qui deviendra Sindbad le terrien) avec Sindbad le marin. le premier, très pauvre, reproche au second sa grande richesse et sa vie facile, faite de plaisir et d'oisiveté. Ce à quoi, Sindbad le marin répond en invoquant son droit à n'être jugé qu'après l'écoute du récit de ses aventures et péripéties en mer.

Chaque jour, le portefaix vient écouter l'une des aventures qui seront au nombre de sept. Ces aventures nous conduiront le plus souvent dans ce qui s'appelle aujourd'hui l'Indonésie, mais aussi aux Comores, à Madagascar, en Inde, au Sri Lanka et, probablement même, en Chine et au Japon lors du septième voyage.

La structure du récit de chaque voyage est très répétitive et peut s'avérer un peu lassante à la longue : départ de Baghdâd avec ses marchandises, embarquement au port d'al Basra (nommée en français Bassorah et qui se situe de nos jours à plus de cent kilomètres à l'intérieur des terres en raison de l'ensablement dû aux alluvions du Tigre et de l'Euphrate), naufrage assez rapide, Sindbad seul rescapé, aventure fantastique, Sindbad fait fortune, un bateau le cueille au passage et retour sans problème vers l'Iraq.

En second lieu, ce qui est assez intéressant, après le témoignage historique et ethnographique qu'il faut dénouer du légendaire et du fantastique, il y a aussi la philosophie sous-jacente. Sindbad n'est pas un héros ordinaire. Il est bourré de défauts, il est jouisseur, intéressé par l'argent, ne rechigne pas à boire de l'alcool, ne tient pas souvent sa parole lorsqu'il dit être vacciné des voyages, il a trucidé pas mal de monde aux cours de ses pérégrinations insulaires, mais on pourrait le surnommer « Lucky Sindbad » car il est toujours incroyablement favorisé par la chance et ce pour deux raisons. Premièrement, il est avenant envers son prochain et généreux, deuxièmement, il a une foi inébranlable en son Dieu.

Ceci en fait donc un personnage très humain, un bon musulman, humble, tolérant envers les coutumes, croyances et traditions des autres peuples, mais aussi avec un petit côté roublard très attachant. Ce n'est pas un super héros, c'est un homme avec ses qualités et ses défauts, c'est juste qu'il a eu une destinée extraordinaire.

Au passage, René Khawam nous permet de nous faire une idée de ce qui peut être plausible dans ces récits et de nous faire à l'idée qu'une manière de Sindbad a probablement dû réellement exister et que le rédacteur de ses aventures avait très certainement dû le connaître, directement ou indirectement.

Un livre, donc, qui vaut surtout pour son témoignage culturel plus que pour l'intérêt propre des aventures, mais un voyage qui vaut le coup selon moi, du moins c'est mon portefaix d'avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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