AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Antyryia



Il y a quelques jours, en consultant le site facebook d'Amélie Antoine, j'ai vu qu'elle avait publié le 10 octobre un nouveau roman, adressé à un jeune public.

Si vous lisez mes billets régulièrement, vous savez que j'ai un petit faible pour cette auteure. C'est ma miss Hauts-de-France de la littérature. Elle est belle, généreuse, disponible, humble. Elle aurait pu être danseuse étoile, championne d'équitation, célèbre chanteuse, remporter Top chef, Koh Lanta ou La France a un incroyable talent.
Mais elle a choisi de mettre ce formidable talent au service du plus grand nombre en écrivant tout en nuances d'émotions, en passant par la réflexion, le malaise, la prévention, les larmes, le suspense, la douleur. le tout avec une écriture sensible, à fleur de peau, et une narration toujours originale.

Mais là stop !
Je ne me laisserais pas avoir.
J'ai déjà lu Maudite poupée en début d'année, court roman pour un tout jeune public sur un jouet assez peu sympathique. Je m'étais laissé avoir par mon syndrome de collectionneur compulsif. Heureusement a suivi le bonheur l'emportera, roman adulte plus addictif traitant du sujet de la transidentité chez les enfants et de la réaction du cercle familial. Avec tolérance mais sans chercher à embellir une réalité difficile où le conformisme est de rigueur.
Je ne vais quand même pas lire Revi3ns, en plus Amélie Antoine spoile son propre roman dans les réseaux sociaux ! On sait déjà que ça finit mal ! C'est comme si je vous disais dans une chronique de ce livre que chacun des personnages principaux avait une phobie, que Maxence a peur du surnaturel parce qu'il croit aux fantômes, ou que Blanche est claustrophobe. On a lynché des gens pour moins que ça.
Elle explique également qu'elle a écrit ce livre sans s'imposer de codes éditoriaux. Je crois comprendre qu'Amélie Antoine est parfois désabusée face à ceux dont le métier est de faire vendre au plus grand nombre et qui lui expliquent ce qu'elle doit faire, ce qu'ils attendent d'elle, ce qu'elle doit modifier à son manuscrit original. Et à l'inverse elle n'a même pas souvent son mot à dire sur les couvertures ou le résumé en quatrième de celle-ci.
Cette fois c'est du Amélie Antoine à cent pour cent. Un roman choral à quatre voix, un livre qui fait peur, où elle ne s'est rien interdit, et ... il a pu être édité sans retouches chez Magnard jeunesse.

Bon je dois vous avouer que j'ai eu un instant d'hésitation quand même. Je suis allé sur le site de la fnac et j'ai regardé cette nouveauté. J'ai même cliqué sur "mettre dans mon panier". Mais j'ai été fort et je n'ai pas appuyé sur "acheter". Même si j'en parais dix de moins je suis déjà un jeune homme de quarante-cinq ans désormais, j'ai des centaines de livres à lire, et parfois je dois faire des impasses.
Je n'ai plus douze ans, c'est comme ça, il faut l'accepter.
Jamais je ne ferai connaissance avec les quatre narrateurs du roman.
Je ne connaîtrai jamais Maïa, sa peur du noir, ses retards intempestifs, son faible pour les chewing-gums, son petit côté intrépide, ses rêves de tenir un blog.
Milo restera aussi un inconnu, comment pourrais-je savoir qu'il joue de l'harmonica, qu'il est très sportif, qu'il réfléchit souvent après avoir agi ? Que certains insectes le pétrifient de terreur ?
Maxence, j'ignorerai tout autant qu'il est le dernier de la bande des trois M, qu'il a un gros faible pour Maïa, qu'il est fasciné par le surnaturel, qu'il regarde des films d'horreur et lis déjà - tout comme Amélie Antoine au même âge - des romans de Stephen King. Ou qu'il est d'une exemplaire ponctualité et se veut le plus cartésien du groupe même sil connaît toutes les légendes macabres des horizons.
Quant à Blanche, comment voudriez-vous que je sache qu'elle est la petite soeur de Milo et la cadette du groupe ? Qu'elle a l'impression d'étouffer dans les espaces clos ? Qu'elle peut être extrêmement malicieuse notamment pour faire chanter son frangin ?

Je me déconnecte de Fnac.com pendant ma pause méridienne et alors que je m'apprêtais à me remettre au travail je tombe de fatigue devant mon écran. Comme de nombreux fonctionnaires, je souffre de narcolepsie, surtout le jour pendant le travail.
Je me réveille une demi-heure plus tard après un cauchemar étrange. Je voyais d'énormes araignées partout autour de moi et j'étais paniqué, pétrifié, et tous mes collègues se moquaient de moi parce que je faisais semblant et qu'il n'y avait rien. Bande de salauds.
Et après cet état de somnolence j'ai un second sursaut.
Sur la chronique que j'étais en train de rédiger s'affichaient les mots Revi3nsRevi3nsRevi3nsRevi3nsRevi3nsRevi3nsRevi3nsRevi3ns huit fois de suite. Farce ? Inconscient ? Ou phénomène surnaturel qui me force à réenvisager cet achat comme si un esprit vengeur voulait m'y obliger ? Et puis pourquoi ce 3 d'abord dans le titre ?

Pas question de toute façon de me laisser influencer. J'ai lu rapidement quand même de quoi ça parlait, c'est encore une histoire de maison hantée. J'ai déjà vu Amityville, lu bien des déclinaisons différentes d'histoires de fantômes ( le secret de Crickley Hall de James Herbert, Maison hantée de Shirley Jackson, Dis-moi qui tu hantes de James Herbert, Hanté de James Herbert, Oui-Oui et la gomme magique d'Enid Blyton, La conspiration des fantômes de James Herbert ) ( Ben oui j'aime beaucoup James Herbert et alors ? ) et je doute que cette histoire sorte beaucoup de l'ordinaire. Un manoir en plein terrain vague qui n'a jamais pu être rasé, d'étranges légendes autour de la disparition d'une fillette et du suicide de sa mère, qui ne s'en est jamais remise, qui s'est défenestré alors qu'il y avait des barreaux aux fenêtres. Et nos quatre compères qui, sur le chemin de l'école, jouent à se faire peur en passant devant ce manoir à la macabre réputation, décident bien sûr de s'y aventurer.

Ca me rappelle que juste derrière chez moi il y a une zone dans laquelle je n'ai jamais mis les pieds, à la végétation luxuriante qui part un peu dans tous les sens. Ca pourrait être un bel espace vert si ça n'était pas totalement à l'abandon. Je décide de m'y rendre ce soir, quand les volets de mes voisins curieux seront tous fermés. En attendant il est 16h00 et il est temps que je rentre !
Je rejoins ma voiture et je constate que durant la journée les pigeons l'ont pris pour cible ... Alors que toutes celles garées autour ont été épargnées. Encore un évènement bien curieux.
Plus curieux encore, les fientes semblent former un tout. En réalité, avec un peu d'imagination, je distingue qu'elles forment le mot R e VI 3n s
Comme si même les oiseaux me faisaient un signe.

Si je l'avais lu ce roman, j'aurais pu vous dire que le début est vraiment gentillet. Les voix des quatre enfants se relaient de chapitres en chapitres mais en racontant une seule histoire d'un point de vue chronologique. Rien de bien plus inquiétant à l'horizon que la demeure soi-disant maudite, habitée par une vieille sorcière ou par quelques fantômes. Une mise en bouche sans beaucoup d'originalité pour quiconque est coutumier des histoires de maisons hantées où le seul spectre présent sera l'équivalent de Casper.

Par la suite, toujours dans l'hypothèse où j'aurais eu la faiblesse de me procurer cet ouvrage, les personnages sont traités individuellement, séparés durant les vacances de Pâques, et l'inquiétude va naître chez chacun d'eux, ainsi que chez le ( jeune ) lecteur. le roman commencerait à prendre davantage de dimension psychologique ( toute proportion gardée ) en nous permettant de faire connaissance avec les quatre lascars, leurs caractères, leurs peurs, leurs réactions quand d'étranges évènements difficilement explicables leur arrive. Je dirais que même un adulte qui le parcourrait, pour faire plaisir à sa fille par exemple, qui a envie de lui faire découvrir ce livre qui l'a tant terrifiée, pourrait se prendre au jeu. Quel enfant lecteur ne souhaite pas un jour partager ses découvertes avec son père ou sa mère ?
Mais je ne suis pas concerné : je n'ai pas d'enfants.

Et si ce même individu, de façon toujours aussi potentielle, avait poursuivi sa lecture avec davantage d'enthousiasme, presque curieux de savoir où Amélie Antoine souhaitait emmener son quatuor, vers quelle destination finale ( toute référence aux films du même nom serait purement fortuite ), il aurait même pu se surprendre à s'identifier à chaque personnage, quand ils nagent en plein cauchemar dans les derniers chapitres. A avoir peur pour eux et à devenir lui même très angoissé par la tournure effrayante et paranormale des ultimes évènements.

Une fois la nuit tombée, j'ai franchi la fameuse barrière à côté de mon garage.
Rien de bien compliqué, sauf que je ne me souvenais plus des fils de fer barbelé et que mes mains ont bien morflé au passage.
Avec la lampe de poche de mon portable, je découvre cet espace livré à la nature. Dans le mauvais sens du terme. Quelques arbres disséminés au hasard, des orties, des ronces, du lierre ont totalement envahi les lieux. Cinq cent mètres carré peut-être ? Bref, il n'y a pas grand chose à voir et je suis déçu par mon expédition. Un peu surpris cependant par la présence d'un chemin boueux dénotant d'un passage régulier. J'entends alors une voix murmurer "Au secours !".
Mais ça doit être mon imagination.
Circulez, il n'y a rien à voir.
Je fais demi-tour et j'entends la même voix grelottante murmurer "Reviens !"
Alors là j'ai vraiment vu rouge.
Les esprits farceurs ou frappeurs ça va bien un moment.
J'ai fait demi tour et c'est là que je l'ai vue, tout au bout du sentier boueux. Une trappe bloquée par un gros tronc d'arbre.
A proximité, une pelle.
J'ai fait rouler le tronc, je me suis emparé de la bêche, j'ai ouvert le soupirail, et j'ai cogné comme une brute contre le vilain spectre qui jouait avec moi depuis le début d'après-midi.
C'était pas un spectre, c'était une petite fille ...
Et merde, j'ai fait une grosse boulette.
Franchement il n'y a que dans les films ou dans mes critiques qu'on voit ça.
Instinctivement, avant de tout remettre en place exactement comme je l'avais trouvé, jusqu'au morceau de cervelle qui avait coulé sur le côté, j'ai jeté un coup d'oeil au sac à dos de la petite demoiselle.
Je l'aurais parié.
Il y avait Revi3ns, le fameux roman d'Amélie Antoine que je m'étais promis de ne pas lire.

Alors oui, finalement, j'avoue, je l'ai lu.
Mais j'ai pas cliqué sur "acheter", j'ai vraiment été d'une bravoure exemplaire.
Et ne me jugez pas ! Après tout si certains enfants ont le droit de lire Stephen King à 9 ans, pourquoi certains adultes n'auraient pas le droit de lire des livres pour la jeunesse à quarante-cinq ans ?
En plus vous savez quoi ? Eh ben c'était bien.
Oui, c'est bien moi qui après une grosse impression de déjà-vu au début me suis laissé prendre au jeu et j'ai retrouvé la Amélie que j'aime tant avec une fin bien angoissante et bien noire comme je les aime. Alors je devrais m'en remettre certes, mais pour un jeune public qui a envie de se faire peur ce livre devrait fonctionner au-delà de ses espérances. Bien plus qu'avec Maudite poupée.
Et bien sûr on est dans un court roman de deux cent pages davantage conçu pour ma nièce de onze ans que pour moi, mais j'ai aussi beaucoup aimé cette narration alternée qui prend tout son sens au fur et à mesure, avec des chapitres qui se font écho, avec des évènements qui ne trouveront leur explication ou leur finalité que dans le récit d'un tiers. du Amélie Antoine tout craché !

Et en plus eh ben moi je sais pourquoi Revi3ns avec un 3.
Nananananère.
Commenter  J’apprécie          225



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}