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Critique de Isa0409


Bagdad. Irak.

Ici, la vie et la mort sont deux meilleures ennemies, elles se côtoient, se frôlent, empiètent l'une sur l'autre, inséparables, prennent le dessus, s'avalent, rivalisent. Mais aucune ne l'emporte jamais vraiment.

Tout et rien. Rien et tout.
Tout n'est rien ; rien du tout.

Une question jaillit presque inévitablement : que serait la vie sans la mort ?

Dans « Seul le grenadier », Sinan Antoon évoque ainsi l'histoire de son pays et sa déchéance à travers la famille de Jawad. Très vite, Jawad découvre qu'il est différent. Depuis des décennies, les hommes de la famille héritent de la même profession, du même « art » ; ils sont laveurs. Or Jawad n'aspire pas à ce destin tout tracé, à ce chemin qui s'offre à lui, telle une évidence.
Jawad aime l'Art, il veut étudier la peinture, la sculpture, l'Art sous toutes ses formes, l'Art comme moyen de révolte, de protestation, comme échappatoire, exutoire, l'Art comme une voie de traverse. Il veut célébrer l'espoir et la Vie, et non pas assister à la déchéance et la Mort.

En s'échappant de cette trajectoire pourtant inévitable, Jawad s'éloigne de son père, le déçoit, c'est toute une coutume qu'il rejette, c'est l'histoire de ses ancêtres, de sa famille, c'est son héritage qu'il balaie d'un revers de main. Mais pour autant, Jawad n'abandonne pas ses rêves, il entre à l'université d'Arts, côtoie les plus éminents professeurs, les artistes les plus talentueux, il en découvre d'insoupçonnés et surtout, il rencontre l'Amour. le vrai, le véritable, le profond, celui qui chamboule, promesse d'un avenir radieux et merveilleux dans sa ville écrasée par les bombes, par les basculements politiques, ravagée par les Américains et son propre gouvernement.

Je lis rarement de romans historiques, dans lesquels la fiction se mélange à l'histoire, je les appréhende, allez savoir pourquoi. En entamant la lecture de Seul le grenadier, je craignais d'être perdue dans cet aspect de l'Irak que je ne connais pas, ces guerres dont j'ignore les profondes raisons, ce conflit conscient mais pourtant inconnu, méconnu, qui m'est en somme étranger.

Et pourtant, il n'en est rien.
Sinan Antoon a réussi le pari fou de me tenir en haleine, avec un récit incroyable, des personnages forts, attachants, dont le destin tragique est effroyable. Seul le Grenadier pourrait être une fable du XXIè siècle, il représente la Vie à travers ce qu'elle puise dans la Mort, sa force de subsistance, sa victoire malgré tout.

La vie de Jawad suit la course d'un cycle infernal ; elle donne, elle reprend, elle offre, elle arrache, elle concède, elle punit, elle plie, elle saccage. La vie est double, elle est ambivalente, elle est oxymore, elle crée à la fois l'amour et la souffrance.

Ainsi triomphe ce grenadier, dont les racines se nourrissent de l'eau qui s'écoule de la petite maison, dans laquelle on lave les morts pour les purifier une dernière fois, et de l'horreur naît la beauté. Et de la Mort jaillit la Vie.


“Just remember that death is not the end
Oh, the tree of life is growing
Where the spirit never dies
And the bright light of salvation shines
In dark and empty skies”

(Death is not the end – Bob Dylan)
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