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Critique de Patsales


On a pu comparer Appelfeld à Proust. Mais si le personnage de Madeleine, que rencontre le héros, lui permet de se replonger dans ses souvenirs, le passé n'a plus la saveur conférée par la pâtisserie dodue chère à Marcel. le temps ne peut plus être retrouvé. Car entre le présent et l'autrefois, quel pont construire, quand la Shoah a brisé tout espoir de continuité entre ce qui fut et ce qui est?
Théo repart vers sa ville natale, espérant que ses parents seront dans leur maison pour l'accueillir. Mais ce monde ancien était-il si désirable? Théo se souvient de sa mère, fantasque et désespérante, émouvante et toxique; il se souvient de son père qui, par bonté, se laissa ruiner; et, tandis que ces deux êtres n'avaient pas su le protéger, il se souvient aussi de ses compagnons de misère qui l'ont soulagé et sauvé du typhus.
Théo vit maintenant dans un monde où les camps de concentration peuvent porter plus de nostalgie que ceux qui les ont laissé advenir.
Dans ce monde d'après, il n'y a plus ni repère ni mode d'emploi. Faut-il rester avec les autres quand le groupe représente à la fois l'entraide et l'adhésion irréfléchie de la foule, le meilleur et le pire de l'homme? Désormais, les routes d'Europe centrale sont hantées par des Juifs errants qui ne savent s'ils doivent partir ou rester, incapables de trouver un sens à leur vie de survivants.
Ainsi, Madeleine, malgré les soins dont elle bénéficie, ne parvient pas à guérir et ses plaies ne peuvent cicatriser.
Un homme, sur le chemin, couve ses ballots et ne peut avancer, lesté de trop de bagages. A-t-il plus de tort que la mère de Théo qui dépensa sans compter et accula son mari à la ruine?
Cette mère, Yetti, préférait les monastères aux synagogues: mais a-t-on le droit d'aimer la culture de son bourreau? (« C'est comme si tu disais: « Nous sommes tous des hommes, il n'y a pas de différences entre les assassins et les victimes. ») N'est-ce pas aussi parce que des intellectuels amoureux des livres et de la musique allemandes ont refusé de voir que l'Europe chrétienne, malgré tous leurs efforts d'assimilation, les méprisait, que la catastrophe est arrivée? « N'oublions jamais, ne serait-ce qu'un instant, ce que nous ont infligé les héritiers de la grande culture »
Mais lorsqu'un officier dit à Théo « Un être qui vit sans ce que lui ont transmis son père et sa mère est infirme, et nulles béquilles au monde ne pourront l'aider. », n'est-ce pas aussi une façon d'absoudre ses parents? le génocide doit-il retrancher les Juifs du reste du monde?
Et finalement, ce même officier enjoint aux vivants de vivre aussi pour les morts; il leur propose d'être les gardiens des valeurs acquises. Mais cette fin pleine d'espérance vient après tant de questionnements sans réponse qu'elle ne peut dissiper l'atroce mélancolie du récit. Les jours ont gardé une stupéfiante clarté: la nature se moque bien des souffrances des hommes et le soleil continue de briller, à l'étonnement de tous, quand le monde devrait prendre le deuil.
Ce n'est pas le désespoir de ce long voyage qui m'a empêchée d'apprécier toute la sèche poésie de ce livre. Plutôt la volonté de l'auteur d'écrire en paraboles: entre un héros nommé Théo Kornfeld (Dieu Champ de blé!), une mère nietzschéenne folle de musique et amoureuse d'un cheval, un père christique, une Madeleine, des verseuses de café aux allures de Samaritaines, j'ai passé mon temps à traquer la référence en me disant que je ratais la plupart des références.
Je n'ai pas ressenti d'émotions.
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