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Critique de Allantvers


C'est par Philip Roth dans "Opération Shylock" que j'ai pour la première fois entendu parler d'Aaron Appelfeld : il y avait tant de profondeur dans le personnage pseudo fictif qui y était présenté, homme sage et vieillissant ayant reconstruit par l'écriture sa vie brisée par la guerre alors qu'il n'était encore qu'un enfant de dix ans, que son évocation m'avait donné envie de découvrir le véritable auteur.

"Mon père et ma mère" le permet, mais en partie seulement et c'est ce qui rend ce livre si bouleversant : il est en effet difficile de démêler dans ce récit ce qui relève du souvenir ou de la fiction. Or, quand l'auteur lui-même nous éclaire en introduisant son propos par des considérations sur l'importance de l'enfance dans l'exercice de l'art et sur le travail de la mémoire, on sent littéralement apparaître à travers les lignes le visage de ce vieil homme éprouvé par la vie, orphelin à dix ans, livré à lui-même pendant la guerre dans les forêts d'Ukraine et emmené en 1946 en Palestine reconstruire sa jeune vie dans un environnement violemment nouveau; on 'voit' ce vieil homme plisser le front, faire un effort de mémoire pour faire reparaître quelques bribes des dernières vacances de son enfance disparue, peut-être l'odeur de la tourte au fromage préparée par sa mère, peut-être le bras de son père battant l'eau dans la rivière Prouth, et à partir de ces bribes reconstruire ces moments, ce récit qui devient réalité avec ses lumières, sa nature, ses personnages, ses atmosphères tantôt languissantes tantôt inquiétantes de bruit de bottes à venir, son regard d'enfant sensible qui, fort de l'expérience douloureuse de sa vie, sent qu'il vit là ses derniers moments de chaleur.

Sans aucune trace d'actualité ni autre repère que celle de la date, été 1938, c'est toute une page d'histoire qui traverse ce livre, condensée au niveau d'un jeune enfant juif, et cela m'a profondément émue.
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