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Critique de lafilledepassage


D'abord il y a l'amour. Elsa, belle comme la rose. Aragon reconnait l'influence du poète iranien Saadi. Moi j'ai fait le rapprochement avec le premier poème de « le jardinier d'amour » de Tagore …

Dans cet amour, il y a de la jalousie :

« Tu rêves les yeux larges ouverts
Que se passe-t-il donc que j'ignore
Devant toi dans l'imaginaire
Cet empire à toi ce pays sans porte
Et pour moi sans passeport »

Ou encore :

«Toi sur toi le soleil le jeune soleil d'hiver qui te caresse
Ah jusqu'au bout de l'année
Je serai jaloux du soleil et de tes pensées »

C'est un amour qui hésite entre servitude:

« Je suis le pauvre qui n'a point accès à ta suite
A peine entendra-t-il au loin l'avalanche de l'orchestre
Il n'entrera jamais dans la salle du Grand Opéra »

et domination :

« L'homme n'est heureux que de faire plier
Capituler ce qu'il adore »

A tout le moins, l'amour pour Elsa est complexe :

« L'amour de toi qui te ressemble
C'est l'enfer et le ciel mêlés
Le feu léger comme les cendres
Éteint aussitôt que volé »

Mais sous ces images lyriques, se cache un gouffre d'angoisse à cause du Temps qui toujours nous fuit tandis que les rêves continuent de briller :

« Mon ciel au fond des yeux demeure
Plein d'étoiles d'autrefois
La lassitude du semeur
N'éteint que ses bras et sa voix »

Une angoisse aussi provoquée par l'impossibilité de dire cet amour, puissant et ravageur :

« Je ne regrette rien qu'avoir
La bouche pleine de mots tus
Et dressé trop peu de statues
À ta mémoire »

Ou encore :

« Je vais te dire un grand secret Toute parole
À ma lèvre est une pauvresse qui mendie
Une misère pour tes mains une chose qui noircit sous ton regard
Et c'est pourquoi je dis souvent que je t'aime
Faute d'un cristal assez clair d'une phrase que tu mettrais à ton cou
Ne t'offense pas de mon parler vulgaire Il est
L'eau simple qui fait ce bruit désagréable dans le feu »


Le poème Elsa, c'est aussi une forme particulière: du rythme et des punchlines très modernes, une construction déroutante, poème entrecoupé par une scène de théâtre, ou peut-être une résurgence de la réalité dans l'imaginaire, dans l'acte créatif. Poème ensuite interrompu par un long monologue du poète se regardant écrivant et par là même s'écrivant écrivant, dans une espèce d'exercice hypnotique …

Un poème à lire d'une traite, au contraire d'autres recueils plus propices au picorement. Ici, il faut le lire de bout en bout et entrevoir une structure, et peut-être deviner une signification dans la chronologie des formes …
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