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Critique de elitiatopia


J'ai ressenti des impressions mitigées en lisant ce texte de poésie en prose, le sentiment dominant étant que je l'aurais adoré quand j'avais 20-25 ans, mais qu'il me parle moins maintenant, bien que j'en aie admiré en maints endroits les formules et que j'aie copié de nombreuses citations. Il s'agit de l'une des oeuvres dont Aragon était le plus fier, il est vrai qu'elle exprime sa quête poétique d'une façon admirable. le passage suivant, dans la dernière partie, résume pour moi exactement ce que j'ai toujours trouvé dans ses poèmes, l'universalité et le caractère profondément humain : "Je ne me mets pas en scène. Mais la première personne du singulier exprime pour moi tout le concret de l'homme."

Aragon n'est pas tant un poète lyrique qu'il est engagé dans une poésie du concret, il cherche un code pour dire la transfiguration des paysages, des lieux, des êtres. La poésie est un phénomène presque fantastique au sein du quotidien, voire du banal. Au fil de ses déambulations, le jeune homme nous présente ce qu'il voit, son Paris, une sorte d'envers du décor vu comme à travers la lunette d'un kaléidoscope. Ainsi nous guide-t-il dans les coins et les recoins du Passage de l'Opéra, détaillant chaque commerce, ce qui fait sa tradition, son charme - ah... le texte sur les coiffeurs ! Il emprunte pour notre plus grand plaisir et émerveillement les deux galeries du passage couvert, la galerie de l'Horloge et celle du Baromètre. Ce passage est aujourd'hui disparu, mais qu'il vit à travers ces descriptions troubles et fluctuantes ! L'auteur nous présente également un peu de la vie des poètes surréalistes, ses compagnons, et le café qu'ils affectionnaient, le Certa, où l'on servait même un "cocktail Dada". Témoignage précieux de cette époque, de la vie littéraire de son temps, où nous découvrons un jeune poète sensible et ambitieux, qui s'interroge sur l'oeuvre à venir, le sens de la poésie, sa valeur.

Comme Aragon était un jeune poète résolument moderne, il use d'un genre novateur (cher aux Dadaïstes), à savoir le collage : il n'est pas rare qu'au détour d'une page on trouve reproduite une affiche, une inscription, une carte des boissons... Bien sûr, on ne peut que regretter de ne plus avoir accès à ce lieu énigmatique et prestigieux, mais l'imagination n'est-elle pas la meilleure des agences de voyage ?

J'ai un peu moins aimé la seconde partie, le Sentiment de la nature aux Buttes-Chaumont, qui adopte sensiblement le même angle de vue, la même stratégie poétique. le titre emprunté à Rousseau est un peu mensonger, car Aragon y célèbre avant tout les modifications introduites dans la nature par l'homme et pour l'homme. Il nous raconte une promenade nocturne avec André Breton et Marcel Noll, mais parle finalement assez peu du parc, ou plutôt le parc devient vite le prétexte à évoquer la femme aimée à ce moment-là, Eyre de Lanux, une femme mariée qui le faisait souffrir. L'évocation de la femme qui se lève sur le parc comme un clair de lune est belle, mais le problème pour moi a été qu'Aragon ait assez vite dévié sur des théories philosophiques trop élevées pour moi : il lisait Hegel, et honnêtement je n'accroche pas du tout. Je n'ai pas tellement aimé non plus la dernière partie, le Songe du Paysan, pour la même raison. Ainsi, je noterai 4/5 pour l'ensemble.
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