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Critique de pleasantf


Dans ce premier livre publié en 1978, Daniel Arasse démontre à la fois son érudition impressionnante et sa capacité à la transmettre de manière simple. C'est brillant.

Au cours des XIIIe et XIVe siècles s'est produit un bouleversement radical dans la peinture italienne. D.Arasse cherche à expliquer cette évolution et il le fait en suivant une approche thématique et non chronologique et en présentant une sélection de 75 oeuvres marquantes de la période. Il souligne la variété et la richesse géographique de cette transformation, que l'on a trop souvent à réduire à quelques noms comme celui de Giotto et à la cité de Florence. Il fait le lien entre cette métamorphose de la peinture italienne et le développement des villes et du commerce, et de façon plus générale l'évolution culturelle et sociale de cette époque, dans laquelle l'humanisme a joué un rôle clé.

D. Arasse appuie sa démonstration sur une analyse de la fonction de la peinture et en particulier de la peinture religieuse, qui reste prédominante pendant la période étudiée. La transformation picturale est liée à la transformation qui s'opère dans le champ religieux. Peu à peu, l'humain et le profane investissent celui-ci. Au début du XIIIe siècle, la religion est plus qu'une pensée dominante, elle est toute la pensée. A la fin du XIVe, le monde n'est plus vu comme une représentation de la pensée de Dieu mais comme une réalité en soi (certes semi-divine) dans laquelle l'homme est appelé un jouer un rôle actif. Picturalement, cela se traduit par des images plus animées et vivantes dans lequel le mouvement est bien présent, ouvertes sur le monde extérieur avec notamment l'introduction du paysage. Les images prennent peu à peu un sens qui dépassent le religieux pour traiter plus largement de l'expérience humaine, inscrite dans une histoire. La peinture devient cultivée (le 'Printemps' de Botticelli en est un parfait exemple) ,historique, politique.

Daniel Arasse s'attache aussi à montrer la diversité géographique des centres artistiques italiens et il s'efforce de casser une vision centrée sur la seule Florence. Il évoque donc les autres foyers majeurs que furent Sienne, Venise, Ferrare, Urbino... Cette variété s'organise autour de quelques données fondamentales : la mobilité des artistes, l'importance grandissante des villes, l'apparition de classes dirigeantes porteuses d'une idéologie propre à leur cité et entourées d'une élite cultivée.

D. Arasse consacre également une partie importante de son ouvrage à approfondir la question de la perspective, considérée traditionnellement comme l'apport majeur du XIVe siècle. Il fait là aussi le lien entre cette innovation picturale et l'évolution des mentalités. le monde est vu petit à petit comme une réalité objective, qui peut être appréhendée rationnellement. La perspective est un moyen de représenter le monde de manière plus vraie, même si D. Arasse souligne que la dimension symbolique reste toutefois très présente. La perspective est au service d'un art qui donne une double lecture : figuration réelle et représentation symbolique. Elle est aussi mise au service d'une peinture qui raconte une histoire, qui suggère un mouvement dans l'espace. D. Arasse montre aussi comment peu à peu l'homme devient le sujet des représentations picturales en consacrant un passage au développement du portrait.

Il conclut son livre en expliquant en quoi, malgré les évolutions, les artistes du XIVe sont encore des 'primitifs'. Car même si les hommes commencent à représenter leur liberté, ils ne la perçoivent pas encore pleinement et subsiste l'idée d'une vérité permanente et éternelle, que manifestent les images et qu'il n'appartient pas aux fidèles de formuler autrement. Les artistes de cette époque ont inventé mais ont conservé des éléments du système ancien. Ils sont ainsi des précurseurs de l'époque moderne, qui posent les jalons d'une idéologie future.
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