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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2014/2015, écrits par John Arcudi, dessinés et encrés par James Harren, et mis en couleurs par Dave Stewart (soit 3 créateurs ayant travaillé pour Dark Horse sur la série BPRD de Mike Mignola).

La première page montre un individu des plus énigmatiques contempler un pic rocheux immense (la scène se déroule sur le continent Pangée). La deuxième page montre un parc d'attractions désaffecté, avec une stature de Paul Bunyan couchée à terre. de nos jours, Bobby (un jeune homme, barman) se plaint à Cogan (un client du bar) qu'il n'a pas de chance avec les filles. Sur l'insistance de Bobby, Cogan lui remet un gage d'un débiteur pour le faire patienter en ce qui concerne son ardoise.

Dehors, Cogan se fait attaquer par un épouvantail (Rathraq) armé d'une énorme épée. Il cherche refuge dans le bar où l'affrontement tourne à son désavantage, jusqu'à ce que Bobby s'en mêle. Ce dernier se retrouve tout seul, avec un épouvantail éventré sur le sol, Cogan ayant pris la poudre d'escampette, et une épée qu'il conserve. Il s'en va tout raconter à son pote Del. Ce dernier fait traduire le bout de papier remis par Cogan, par Timah qui reconnaît du phénicien.

Difficile de résister à une série créée par John Arcudi (fidèle compère de Mike Mignola sur la série BPRD), James Harren qui a réalisé de très beaux épisodes sur cette même série, ou Dave Stewart, metteur en couleurs attitrés des séries de Mignola. le lecteur se lance donc dans la découverte de cette mise en bouche, un prologue conséquent, plus qu'une première saison. Il perçoit une mise en couleurs qui s'efface complètement derrière les dessins et qui pourtant les complète de façon patente. Stewart habille chaque séquence pour lui conférer une ambiance particulière, recourant tour à tour à des teintes neutres pour les scènes de la vie quotidienne, ou au contraire à des teintes vives pour les combats physiques, afin d'en souligner la force ou les effets spéciaux (en particulier les flammes de Nusku).

Dans un premier temps, le lecteur est happé par la dimension descriptive des dessins. Il voit cette montagne exceptionnelle se dresser devant lui. Il détaille les recoins du parc d'attractions, des herbes folles aux vitres brisées. Il examine les rayonnages du bar, et son aménagement, un lieu accueillant où il fait bon s'installer (dans les pages bonus, Harren explique qu'il ne boit pas d'alcool et qu'il a dû se rendre dans plusieurs débits de boisson pour se forger une représentation mentale de l'endroit). La cuisine de la dame qui donne à manger aux chats (dont mister Bildad) est encombrée à souhait, avec un ventilateur très fonctionnel au plafond. L'appartement de Bobby montre qu'il se soucie peu de son aménagement, alors que la vue de celui de Timah montre qu'elle accorde de l'importance à sa décoration et à sa propreté.

James Harren s'en donne à coeur joie avec la conception graphique de monstres pas beaux, compétence héritée de sa participation à la série BPRD, avec une mention spéciale pour Nusku la créature de feu. Il s'éclate à représenter la vitesse de déplacement lors des affrontements physiques, avec des lignes de mouvement, et des lignes force empruntées aux codes graphiques des mangas d'action. Il prend soin de montrer que le maniement de l'énorme épée de Rathraq n'est pas si facile que ça pour un être humain de taille normale (Bobby la manipule en tremblant à cause de son poids et de sa longueur).

Assez rapidement, le lecteur constate que le dessinateur intègre un humour visuel qui revêt plusieurs formes. Cela commence avec le visage de Cogan, aux contours un peu étrange, évoquant les grimaces d'un vieux singe. Il y a les expressions joviales de la propriétaire de chats, en train de s'adresser à eux quand elle les nourrit. Il y a le look de bouseux des 2 pêcheurs sur une barque à fond plat. L'air de contentement de soi de del (il a eu l'idée d'utiliser un produit ignifugeant) est irrésistible de suffisance.

Cette dimension comique est également présente dans les dialogues de John Arcudi. Il y a par exemple Bobby essayant d'amadouer Rathraq en prétextant qu'il s'occupe de sa mère gravement malade. Il y a aussi del qui lui dit qu'il n'a aucune chance avec Timah et que c'est sa chasse gardée, alors que l'attitude de la jeune femme montre qu'elle tient ces 2 zozos en piètre estime. Les 2 formes d'humour se complètent et se combinent, comme lors de l'attitude de Nusku dans sa forme diminuée.

Les auteurs indiquent donc que leur récit n'est pas qu'à prendre au sérieux, et qu'il comprend une forme de dérision sous-jacente. L'utilisation de cette forme de narration est à double tranchant : d'un côté elle fait naître un sourire chez le lecteur (ce qui est toujours agréable), de l'autre elle diminue un peu l'impact de l'intrigue (sous-entendant qu'elle n'est pas à prendre si au sérieux que ça). Or John Arcudi a conçu une intrigue de grande ampleur, prenant ses sources au carbonifère, soit il y a plus de 300 millions d'années, époque où 2 races se combattaient (les Ivir, et les Esu). Certes Bobby joue le rôle d'un personnage sympathique et courageux (presqu'un faire-valoir par moment), mais Rathraq est un personnage tragique, au destin qui suscite de la pitié de la part du lecteur (ce qui se marie mal avec la tonalité humoristique, presque parodique).

Dans ce premier tome, le lecteur fait donc connaissance avec les personnages principaux : Bobby et son copain Del, ainsi que la charmante Timah. Il voit apparaître Rathraq, un rescapé de temps révolus (avec sa monture Slanjau, et sa mort tragique). Il découvre qu'il reste des ennemis bien méchants comme la reine Xotlaha, et ses sbires (Asura & Lerna, Nusku), ce qui place le récit dans le genre Bons contre Méchants (avec une ambiguïté sur la place de la race humaine entre les Ivir et les Esu).

À partir de l'épisode 3, John Arcudi effectue un gros travail pour présenter un historique des races Ivir et Esu, des enjeux pour chacune d'entre elles, et de l'enjeu personnel pour Rathraq. le lecteur découvre ainsi la profondeur de l'environnement dans lequel se déroule le récit, et de son histoire. le récit se clôt avec un affrontement qui permet d'apporter une fin satisfaisante, sans rester sur un suspense intenable. le choix est donc offert au lecteur de savoir s'il veut poursuivre ou non (plutôt oui).

Avec ce premier tome, les auteurs emmènent le lecteur dans un monde bien développé, avec des personnages attachants. Pour l'instant les personnages principaux sont majoritairement mâles, dans un récit orienté action, et surnaturel. le dessinateur a su créer des personnages mémorables, et des monstres originaux, en s'attachant également à réaliser des décors avec de la personnalité. Il s'avère très doué pour les séquences d'action qui sont rapides et tranchantes. le scénario développe un monde étoffé dans lequel évolue un personnage principal Rathraq à l'histoire personnelle étoffée, et 2 jeunes hommes au caractère plus générique. Ce premier tome présente donc une histoire conséquente qui se lit toute seule, assez amusante par moment. Il donne envie de lire la suite, même si certains personnages sont un peu superficiels, et l'opposition entre les Ivir et les Esu un peu trop basique.
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