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Critique de Pecosa


Le poète et romancier mexicain Homère Aridjis porte bien son prénom. Avec 1492. Les aventures de Juan Cabezón de Castille, puis 1492. Mémoires du Nouveau Monde, il nous offre deux grandes épopées ancrées dans cette année décisive pour l'Espagne.
1492. Les aventures de Juan Cabezón de Castille s'ouvre sur le massacre des habitants de la juderia de Séville en 1391 et se termine avec le départ de la Pinta, La Niña y La Santa María pour l'Amérique. Le siècle écoulé égrène les nombreuses mesures prises par les villes, puis les rois catholiques contre les juifs et les marranes.
Juan Cabezón, descendant de conversos, voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec Isabel de la Vega, une belle juive recherchée par l'Inquisition. Condamné à taire son ascendance marrane pour ne pas finir sur le bûcher, il ne peut réprimer son amour. Et la prise de Grenade, dernier épisode de la Reconquista, n'est pas de bon augure pour les juifs qui voient leur destin s'assombrir plus encore.
Fou d'amour, Juan parcourt l'Espagne pour retrouver Isabel et leur fils. Saragosse, Madrid, Tolède, les villes se succèdent et offrent le même spectacle de désolation: procès, effigies, bûchers, tuniques jaunes de l'infamie, sambénitos, caroches… tout le monde espionne tout le monde, on traque les juifs et surtout les convertis, soupçonnés de judaïser en secret. On va jusqu'à poser des guetteurs sur les toits des édifices pour voir qui n'allume pas les feux de cheminée le samedi.
La recherche désespérée de la femme aimée est aussi prétexte au récit de rencontres insolites, et permet à Aridjis de se livrer à une description minutieuse des lieux, des évènements historiques (récit glaçant du procès des « assassins »du Santo Niño de la Guardia ), de coutumes…Aridjis nous montre les mécanismes d'une politique d'exclusion qui aboutira à la Limpieza de Sangre, un état « judenrein » avant l'heure, l'aliénation d'un système qui oblige dans un premier temps des individus à se convertir puis les exècre pour l'avoir fait, et l'atmosphère irrespirable de paranoïa et de terreur quotidienne qui en découle. Une apparition inopinée de Christophe Colomb, l'annonce de son expédition, l'espoir que suscite ce voyage qui permet de quitter un pays aux mains de l'Inquisition laisse présager des jours meilleurs sur des terres nouvelles. Hélas, les caravelles emporteront avec elles les travers de l'Ancien Monde, et 1492. Mémoire du Nouveau Monde, suite des aventures de Juan Cabezón narre le choc de la rencontre entre Conquistadors et Amérindiens.

1492. Les aventures de Juan Cabezón de Castille est assurément un de ces grands romans de langue espagnole dont les auteurs latino-américains ont le secret, une reconstitution extraordinaire du XVème siècle, dans toute sa crudité.

La langue de cette tragique épopée est belle et puissante car Aridjis est avant tout un grand poète, qui manie les mots avec dextérité, Qui aurait pu dire mieux que lui la volonté farouche de survivre quelque soit le prix à payer, dans la Péninsule, ou sur d'autres continents, l'appétit sensuel, l'amour impossible et la terreur dans un monde finissant?
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