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Jean-Claude Masson (Traducteur)
EAN : 9782020136914
368 pages
Seuil (23/01/1992)
4.18/5   19 notes
Résumé :
" En 1492, les Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle, expulsèrent les Juifs d'Espagne.
Dans le roman d'Aridjis, cette vaste saga de l'expulsion atteint une résonance à la fois historique et poétique. Ce grand poète mexicain mêle l'histoire et la fiction avec la ferveur et la profondeur d'une vision lyrique. " Carlos Fuentes " Dans ce grand roman qui joue sur un chapitre particulier et douloureux de l'histoire, Homero Aridjis allie érudition, sensibilité et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Le poète et romancier mexicain Homère Aridjis porte bien son prénom. Avec 1492. Les aventures de Juan Cabezón de Castille, puis 1492. Mémoires du Nouveau Monde, il nous offre deux grandes épopées ancrées dans cette année décisive pour l'Espagne.
1492. Les aventures de Juan Cabezón de Castille s'ouvre sur le massacre des habitants de la juderia de Séville en 1391 et se termine avec le départ de la Pinta, La Niña y La Santa María pour l'Amérique. Le siècle écoulé égrène les nombreuses mesures prises par les villes, puis les rois catholiques contre les juifs et les marranes.
Juan Cabezón, descendant de conversos, voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec Isabel de la Vega, une belle juive recherchée par l'Inquisition. Condamné à taire son ascendance marrane pour ne pas finir sur le bûcher, il ne peut réprimer son amour. Et la prise de Grenade, dernier épisode de la Reconquista, n'est pas de bon augure pour les juifs qui voient leur destin s'assombrir plus encore.
Fou d'amour, Juan parcourt l'Espagne pour retrouver Isabel et leur fils. Saragosse, Madrid, Tolède, les villes se succèdent et offrent le même spectacle de désolation: procès, effigies, bûchers, tuniques jaunes de l'infamie, sambénitos, caroches… tout le monde espionne tout le monde, on traque les juifs et surtout les convertis, soupçonnés de judaïser en secret. On va jusqu'à poser des guetteurs sur les toits des édifices pour voir qui n'allume pas les feux de cheminée le samedi.
La recherche désespérée de la femme aimée est aussi prétexte au récit de rencontres insolites, et permet à Aridjis de se livrer à une description minutieuse des lieux, des évènements historiques (récit glaçant du procès des « assassins »du Santo Niño de la Guardia ), de coutumes…Aridjis nous montre les mécanismes d'une politique d'exclusion qui aboutira à la Limpieza de Sangre, un état « judenrein » avant l'heure, l'aliénation d'un système qui oblige dans un premier temps des individus à se convertir puis les exècre pour l'avoir fait, et l'atmosphère irrespirable de paranoïa et de terreur quotidienne qui en découle. Une apparition inopinée de Christophe Colomb, l'annonce de son expédition, l'espoir que suscite ce voyage qui permet de quitter un pays aux mains de l'Inquisition laisse présager des jours meilleurs sur des terres nouvelles. Hélas, les caravelles emporteront avec elles les travers de l'Ancien Monde, et 1492. Mémoire du Nouveau Monde, suite des aventures de Juan Cabezón narre le choc de la rencontre entre Conquistadors et Amérindiens.

1492. Les aventures de Juan Cabezón de Castille est assurément un de ces grands romans de langue espagnole dont les auteurs latino-américains ont le secret, une reconstitution extraordinaire du XVème siècle, dans toute sa crudité.

La langue de cette tragique épopée est belle et puissante car Aridjis est avant tout un grand poète, qui manie les mots avec dextérité, Qui aurait pu dire mieux que lui la volonté farouche de survivre quelque soit le prix à payer, dans la Péninsule, ou sur d'autres continents, l'appétit sensuel, l'amour impossible et la terreur dans un monde finissant?
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Homero Aridjis, poète mexicain, porte bien son prénom. Cet auteur nous offre une odyssée médiévale que je ne suis pas près d'oublier : « Les aventures de Juan Cabezon de Castille», traversant l'Espagne à la recherche de son épouse et de son fils. Tous les évènements se situent dans la période de la redoutable Inquisition. Ce tribunal d'exception possède les pleins pouvoirs et fait régner la terreur. le récit s'est imprimé durablement dans ma mémoire. Je pense pouvoir qualifier ce livre de Grand Roman d'Aventures sachant que la conquête du Mexique fait l'objet d'un second volet. Conteur incontestable, son écriture a le pouvoir de projeter le lecteur au XVème siècle, dans l'Espagne d'Isabelle la Catholique et Ferdinand d'Aragon. Je dois cette découverte à Pecosa que je tiens à remercier. (Pardon Pecosa, je n'avais pas vu ta référence à Homère, j'ai fait la même remarque, il n'y a pas idée de se prénommer Homère et d'écrire ce livre)!.

Sur un fond historique rigoureux, doublé d'un récit romanesque au rythme intense, cette équipée fantastique débute avec le siège du quartier juif de Séville, à l'été 1391, en passant par le 29 avril 1492, date de la promulgation de l'expulsion des Juifs espagnols, pour se terminer sur la Santa Maria de Christophe Colomb.

Pour celles et ceux qui connaissent l'Espagne, qui l'ont visité, qui se sont penchés sur son Histoire extrêmement féconde, qui sont imprégnés du style mudéjar au point d'impacter leur imaginaire, vous lirez ce récit en apnée – rien ne nous est épargné – et en même temps, vous visiterez Tolède, Sarragosse, Avila, Madrid, Teruel, et tant d'autres villes. Vous découvrirez aussi la poésie d'Homero Aridjis dans des strophes empreints de lyrisme à l'image de ce passage, lorsque les juifs parviennent à Puerto de Santa Maria :

« Hommes et femmes montaient sur les bateaux en chantant : « Alors Yahvé dit à Moïse ; pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d'Israël qu'ils s'en aillent et toi lève ton bâton, étends ta main sur la mer, et ouvre-la ; et que les enfants d'Israël pénètrent au milieu de la mer et y marchent à pied sec. Alors, les enfant d'Israël marchèrent au milieu des flots et les eaux faisaient comme un mur à leur droite et à leur gauche ».

Juan Cabezon de Castille entraîne le lecteur avec lui à la recherche de son épouse, Isabel de la Vega, juive convertie, et de son fils, recherchée par les Pères Inquisiteurs afin de la mener aux supplices. C'est une véritable plongée au sein des communautés, de leurs us et coutumes, avec moult précisions sur leur vie quotidienne mais aussi sur les mentalités, les croyances, l'ignorance et les mécanismes d'une foule en liesse.

Cette impressionnante traversée de l'Espagne permet à l'auteur de retracer avec réalisme, de l'Aragon à l'Andalousie en passant par Tolède, Madrid, Saragosse, Teruel, l'atmosphère monstrueuse, suffocante, que fait régner l'Inquisition médiévale en traquant les Juifs convertis. Ce tribunal exceptionnel incite à la délation, il s'appuie sur les instincts les plus vils de l'être humain. Ce qui est effrayant et instructif, c'est le rituel qui est mis en place le jour du jugement. C'est ainsi que l'on apprend comment les inquisiteurs déterrent les ossements de juifs convertis décédés pour mieux les brûler et les réduire en cendres. Il n'y a pas de place pour la compassion ni pour le message du Christ. Dieu est pris en otage et en son nom, l'être humain commet les pires atrocités. L'Espagne s'enflamme de tous ces buchers du Nord au Sud. Les cris des suppliciés résonneront encore longtemps dans L Histoire espagnole. le pays sombre dans les ténèbres.

Il est à noter, néanmoins, que l'Eglise comme les rois catholiques, ont un grand sens de la gestion. Que ce soit un autodafé de notables juifs ou l'expulsion des juifs, tous les biens tombent dans leur escarcelle, il faut bien que l'antisémitisme d'Isabelle serve la couronne. Ce qui me rappelle « La rafle des notables » d'Anne Sinclair. Les nazis n'avaient rien inventé.


Le seul bémol de ce livre, la centaine de premières pages. Je me suis retrouvée dans une Cour des Miracles avec des dialogues incompréhensibles à la béotienne que je suis. En un mot, il faut patienter et c'est après avoir testé mon endurance qu'enfin, le récit s'amorce.

J'ajouterai que ce livre sert de support à notre réflexion sur toute forme de fanatisme, qu'il soit religieux, idéologique, politique. le dogmatisme enferme et ne laisse plus de place au doute, la personne s'enfonce dans un délire mental pathologique obsessionnel. Isabelle de Castille possédait une forte personnalité, douée d'une grande intelligence, chef des armées, elle a permis de terminer la « reconquista » mais son fanatisme jette l'ignominie, le déshonneur sur son règne. Actuellement, il y a un petit mouvement qui souhaiterait sa canonisation, vous pouvez aisément imaginer le rejet que cela suppose en Espagne d'une telle demande.

« Dans une maison de la juiverie de Sarragosse : Elle a franchi une petite porte, si basse qu'il fallait se plier en deux pour passer, comme si elle avait été conçue pour des nains ou des enfants, ou bien pour forcer le corps à faire acte d'humilité ».

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Comment l'Histoire peut se raconter ? C'est la principale interrogation posée par Homero Aridjis dans cet ambitieux roman, optant pour la narration subjective d'une fiction aux accents autobiographiques : c'est le "je" qui témoigne d'une période historique essentielle de l'Espagne, 1391-1492, permettant à l'auteur d'introduire de facto une vision critique des événements.
Dans ce dialogue entre littérature et Histoire, "1492" propose une vision alternative à L Histoire officielle, redonnant à cette date charnière pour l'ancien monde (puis pour le nouveau monde dans son roman suivant) un renouveau historique d'une vitalité intellectuelle inouïe.

"1492" retrace l'itinéraire de Juan Cabezón de Castille, juif converti en quête de sa bien-aimée également "conversa", au travers d'une Espagne violemment tourmentée par l'Inquisition et marquée par la persécution des Juifs.
Homero Aridjis joue talentueusement avec les ambivalences d'identité : les Juifs d'hier se font nouveaux Chrétiens, l'Espagne plurielle d'avant devient univoque dans tous ses aspects, et l'auteur les oppose dans un duel continu et passionnant : mémoire officielle contre mémoire vécue, chrétiens contre juifs, dominants contre marginalisés.

Aridjis, dont toute l'oeuvre est marquée par le syncrétisme, sous tend dans ce roman un appel à l'ouverture d'esprit et à la coexistence des différences.
- (A noter que la persécutions des Juifs et Marranes d'Espagne ne peut pas être comparée à la Shoah, il n'y a aucune visée raciale génocidaire dans l'Espagne de 1492 ni théorisation d'extermination, il serait inconvenant d'établir un tel parallèle. Bavajadas !). -

Enfin, je n'ai pu m'empêcher de rapprocher ce livre "1492" de l'itinéraire du héros flamboyant des Marranes, Antonio Enríquez Gómez et sa sublime Romance al divin martir ; et également de songer aux Perez de Ariza y Sevillano de Guzman, marranes restés en Espagne pour ne la quitter qu'au moment des guerres napoléoniennes, pour la France, emmenant avec eux leurs berceuses en djudeo-espanyol. Même hors d'Espagne et des siècles plus tard, Ley nos kedo.
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Quel livre extraordinaire ! C'est un écrivain mexicain, Homero Aridjis, né dans le Michoacan, en 1940, qui a écrit cette fresque mêlant au plus près vie quotidienne et actualité politique dans l'Espagne des Rois catholiques, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille. En pleine Reconquista, ce sont les Juifs qui sont la cible de toutes les persécutions, les Maures n'étant pas ménagés non plus.
Cette plongée dans ce XVème siècle de toutes les horreurs mais aussi des grandes découvertes ne peut pas laisser insensible. Immanquablement, le parallèle sera fait avec la Shoah. le lecteur ne pourra que faire un terrible constat : les nazis n'ont rien inventé. Bien avant eux, les Juifs ont été persécutés, obligés de porter un signe distinctif (décision du Conseil municipal de Madrid, le 22 janvier 1491), réduits dans des quartiers réservés puis exterminés. Au passage, leurs biens, cible de toutes les convoitises, étaient récupérés.
Juan Cabezón, est né à Madrid. Ses parents, Juifs convertis, avaient fui Séville et de terribles inondations. le récit est à la fois romanesque et constellé de références, de repères historiques. La mort rôde partout. La violence, le plus souvent menée par les responsables religieux et politiques, règne. le sang coule à flot.
Luxure et truculence jalonnent aussi le récit comme les descriptions flamboyantes avec profusion de détails. Notre héros parcourt l'Espagne et rencontre même un certain Cristobal Colón, dans une taverne, à Tolède où le fameux Gênois tentait de rencontrer les Rois catholiques pour leur parler de son projet…
Le 31 mars 1492, ces mêmes rois décident d'expulser tous les Juifs d'Espagne alors que, depuis des années, l'Inquisition assure son oeuvre de torture et de mort. Partout, des centaines d'honnêtes gens sont dénoncés, arrêtés, torturés et, la plupart du temps brûlés vifs (autodafés) pour la plus grande joie de la populace qui ne veut pas manquer une occasion de se distraire…
Jusqu'au bout, Homero Aridjis s'attache aux pas de Juan Cabezón qui recherche partout sa femme, Isábel de la Vega, et son fils. En appendice, l'auteur nous livre même le texte intégral du procès d'Isábel de la Vega et de son frère, Gonzalo, procès tenu par la Sainte Inquisition, à Ciudad Real, en l'absence des deux accusés.
C'est dans cette Espagne violente et intolérante que se trouvent les racines de la colonisation des terres que va découvrir Cristobal Colón. Ceux qui suivront n'hésiteront pas à asservir et massacrer les indigènes pour s'approprier leurs richesses…un éternel recommencement…
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N°270 – Mars 2007

1492 – Les aventures de Juan Calbezón de Castille – Homero ARIDJIS.

Décidément, les écrivains sud et meso américains me passionnent par leurs écrits. Cette chronique s'est d'ailleurs souvent fait l'écho de leurs oeuvres. Ce n'est pas la lecture de ce roman qui me fera changer d'avis!

Ainsi, de la première à la dernière ligne de ces chapitres, l'auteur entraîne son lecteur passionné sur les pas de Juan Calbezón de Castille à travers cette Espagne du XIV°-XV° siècle dévorée par la Sainte Inquisition. A l'aide de documents historiques et d'une imagination de bon aloi, Homero Aridjis nous restitue sur le mode picaresque cette société parfois interlope et qui tient de la Cour des Miracles mais aussi aristocratique et religieuse au point qu'on a l'impression de la voir vivre sous nos yeux. Juan Calbezón est notre guide, mais aussi Pero Meňique, Isabel de la Vega... Nous traversons avec eux la Castille, L'Aragon, l'Andalousie... C'est un tableau de cette société médiévale qui m'a toujours éblouie avec son désir de spiritualité, son appétit de vie charnelle, son bouillonnement d'idées nouvelles, mais aussi ses débordements et sa fascination pour la mort. C'est l'Espagne où trois religions cohabitent en bonne intelligence, Islam, Chrétienté et Judaïsme, au point qu'elle est montrée comme exemple de la tolérance. Et puis soudain, sans doute parce que la reconquête du pays sur les Maures est une obligation morale, mais surtout parce que l'antisémitisme de l'Église catholique couvait depuis trop longtemps, par cupidité aussi, tout cela s'est effondré comme un vulgaire château de cartes. Au nom du Christ qui inspira et prêcha le message d'amour de l'Évangile au point de mourir pour cela, les rois, connus pourtant pour être “catholiques”, et leur alliée un peu trop zélée, la hiérarchie catholique, vont s'arroger le droit de chasser les Juifs d'Espagne et, bien entendu, de confisquer tous leurs biens. Ainsi émerge la triste figure de Tomás de Torquemada, grand inquisiteur, assoiffé du sang des juifs et des convertis, accusés de tous les maux et voués à la torture et finalement au bûcher. L'auteur nous brosse avec talent toute cette société jadis tolérante et respectueuse des valeurs religieuses qui se transforme et compte dans ses rangs des faux témoins capables de précipiter leur propre voisin dans la mort, des flagorneurs, des délateurs qui, pour complaire au pouvoir et pour se faire valoir ne ménagent ni la trahison ni la volonté de détruire... c'est une nouvelle illustration du “juif errant”, dont le destin est d'être chassé de partout, toléré nulle part...
L'idée utopique de Christophe Colomb termine le livre et avec elle un formidable espoir...

Il y a, certes ce récit passionnant, mais je choisis d'y voir un témoignage de la condition humaine, pas si éloigné que cela de notre histoire contemporaine, la dénonciation d'une facette de cet Homme dont on dit volontiers qu'il est humain, voire humaniste, mais qui porte en lui le germe de la mort.

© Hervé GAUTIER - Mars 2007
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
C'était l'aube de l'an 1492 quand Grenade fut reconquise. Le roi don Ferdinand, en grand apparat, s'achemina vers le château et la ville, suivi de tous les chevaliers en armes, de la reine, de leurs enfants et de tous les grands d'Espagne. Près de l'Alhambra, Muley Boabdil, "le petit roi", s'avançait à cheval à la rencontre du souverain, accompagné de cinquante cavaliers maures. Comme il voulait mettre pied à terre pour baiser la main du roi vainqueur, l'Espagnol n'y consentit point: il lui donna l'accolade. Alors Boabdil lui baisa le bras et, les yeux baissés, le visage accablé, le corps humilié, il lui livra les clés du château en disant: "Seigneur, voici les clés de votre Alhambra, de votre cité. Je vous prie de les recevoir. " Le roi Ferdinand les tendit à la reine Isabelle, avec ces mots: "Que votre seigneurie accepte les clés de votre ville de Grenade, et lui choisisse un gouverneur." (...) Et c'est ainsi que le comte de Tendilla, accompagné du duc d'Escalona, marquis de Villena, et d'autres chevaliers, suivis de trois mille cavaliers et de deux mille hommes armés d'espingards, entrèrent dans l'Alhambra et en prirent possession.
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Clercs, mendiants, éclopés, bigotes tripotant leur rosaire, vide-goussets, aveugles, nains, vilains et autres gens du commun formaient le corps mouvant de la plèbe fascinée par le déroulement de la cérémonie, comme si chaque nouveau détail corroborait la sentence contre l'hérésie, indifférente à l'humiliation et à l'agonie des victimes qui n'avaient d'autre témoin de leur innocence que leur propre conscience. Car les suppliciés n'étaient pas des saints ni des héros mais de pauvres gens terrifiés par ce monstre aux mille têtes et aux milliers de poings, cette multitude excitée par des prêtres sanguinaires qui avaient converti les paraboles d'amour en menaces de mort et la promesse du paradis en enfer ici-bas. Et comme si j'étais moi-même un Juif acculé sur cette place, pour la première fois de ma vie j'ai senti les visages hostiles tournés contre moi, j'ai eu conscience de tout mon être, du poids de mon corps et comme une bête traquée par des chasseurs féroces, j'ai eu peur de l'homme.
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Après s'être confessés et avoir communié, enveloppés dans l'obscurité de la nuit pour ne pas être reconnus, la tête couverte d'une cagoule blanche, déchaussés, le dos et les épaules dénudés, ils se rassemblaient au couvent de l'ordre ou à l'église. Et la procession commençait, derrière une croix et une bannière où étaient peints les souvenirs de la Passion, mêlant riches et pauvres, clercs et séculiers, nobles et vilains, mais les hommes séparés des femmes. Des garçons de quatre ans, et d'autres qui pouvaient à peine marcher, précédaient les hommes et portaient des crucifix ; des fillettes du même âge précédaient les femmes avec des images de Marie et de son Enfant mort dans les bras. Pendant tout le parcours du chemin de la croix, les pénitents se flagellaient avec des disciplines de cordelettes de chanvre tressées, des fouets de fer, des branches et des sortes de chardons à pointes métalliques. Certains se frappaient avec une telle fureur qu'en voyant la grande quantité de sang qui coulait de leurs blessures larges d'un pouce, il fallait leur arracher les disciplines car ils auraient pu se tuer sous les coups.

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- Moi, la Trotteuse, je ne peux condamner personne en ce monde ; la mort par voie de feu me paraît une chose horrible et j'ai pitié de toute créature qui l'endure. Un jour, quand j'étais petite, alors que j'errais affamée, un vieux Juif m'a donné du pain pour faire taire ma faim et je ne me suis pas souciée de savoir si sa main était d'un Hébreu ou d'un chrétien. Bonté et méchanceté n'ont pas de lignage mais se reconnaissent à leurs fruits.

- Toi, le moine glouton, qui arraches à leurs nids des petits oiseaux innocents pour les triturer dans ta gueule toujours en train de brouter ; toi, l'infecte Tour de Babel qui traînes ton corps par terre comme du linge sale ; toi, avorton de la nature, qui portes ta coquille sur le dos et ne peux jamais t'en défaire, à la manière de certaines chenilles ; dîtes-moi donc, tous autant que vous êtes ; quand vous vous trouvez devant une belle fille, un enfant tout frais ou un médecin qui vous guérit de vos maux, croyez-vous détenir plus de droits à la vie que ces gens parce qu'ils sont hébreux ? Vous sentez vous plus innocents ou plus beaux ? a dit le Roi Bamba.

Page 128
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En 1473, la mer a joué un tour cruel aux marranes cordouans qui, apprenant que des marins avaient tué sur les côtes du Portugal une baleine de deux cents pieds de long et cent pieds de large, ont cru que le cétacé était ce Léviathan annoncé par les prophètes comme signe avant-coureur de la venue du Messie sur la terre. Aussi ont-ils mandé leurs serviteurs pour qu'ils rapportent des morceaux du monstre comme reliques, mais ce n'était rien d'autre qu'une baleine, a relaté don Rodrigo Rodríguez .
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Vidéo de Homero Aridjis
« […] […] comme le dira Octavio Paz (1914-1998), “la poésie mexicaine ne trouvait pas sa forme propre. Chaque fois qu'elle se risquait à exprimer le meilleur et le plus secret de son être, elle ne pouvait que mettre en oeuvre une culture qui ne lui appartenait que par un acte de conquête spirituelle“. […] Enrique González Martínez annonçait qu'il fallait “tordre le cou au cygne“ moderniste pour pénétrer dans la réalité concrète de la vie quotidienne : “Cherche dans tout chose une âme et un sens / caché ; ne te drape pas dans la vaine apparence“ […] »
« Le poème tournoie sur la tête de l'homme en cercles proches ou lointains
L'homme en le découvrant voudrait s'en emparer mais le poème disparaît
Avec ce qu'il peut retenir l'homme fait le poème
Et ce qui lui échappe appartient aux hommes à venir » (Homero Aridjis, « Le Poème », in Brûler les vaisseaux, 1975.)
0:00 - EFRAÍN BARTOLOMÉ 1:49 - MANUEL ULACIA 3:40 - VERÓNICA VOLKOW 4:36 - MARISA TREJO SIRVENT 5:41 - AURELIO ASIAÍN
6:12 - Générique
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Référence bibliographique : Poésie mexicaine du XXe siècle, traduction de Claude Couffon et René Gouédic, Genève, Patiño, 2003.
Images d'illustration : EFRAÍN BARTOLOMÉ : https://es.wikipedia.org/wiki/Efraín_Bartolomé#/media/Archivo:Efraín_Bartolomé_en_Berna,_1999.jpg MANUEL ULACIA : https://www.lavenderink.org/site/books/manuel-ulacia/?v=76cb0a18730b VERÓNICA VOLKOW : https://www.rogeliocuellar.mx/archivo/fotografia/4559/mx-rcu-esc-vovo-a-00020 MARISA TREJO SIRVENT : http://www.elem.mx/autor/datos/109900 AURELIO ASIAÍN : https://www.amazon.es/Aurelio-Asiaín/e/B001JWYBQ2/ref=dp_byline_cont_pop_book_1
Bande sonore originale : Mike Durek - The Good News Or The Bad News The Good News Or The Bad News by Mike Durek is licensed under a CC-BY Attribution License.
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