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Critique de enjie77


Homero Aridjis, poète mexicain, porte bien son prénom. Cet auteur nous offre une odyssée médiévale que je ne suis pas près d'oublier : « Les aventures de Juan Cabezon de Castille», traversant l'Espagne à la recherche de son épouse et de son fils. Tous les évènements se situent dans la période de la redoutable Inquisition. Ce tribunal d'exception possède les pleins pouvoirs et fait régner la terreur. le récit s'est imprimé durablement dans ma mémoire. Je pense pouvoir qualifier ce livre de Grand Roman d'Aventures sachant que la conquête du Mexique fait l'objet d'un second volet. Conteur incontestable, son écriture a le pouvoir de projeter le lecteur au XVème siècle, dans l'Espagne d'Isabelle la Catholique et Ferdinand d'Aragon. Je dois cette découverte à Pecosa que je tiens à remercier. (Pardon Pecosa, je n'avais pas vu ta référence à Homère, j'ai fait la même remarque, il n'y a pas idée de se prénommer Homère et d'écrire ce livre)!.

Sur un fond historique rigoureux, doublé d'un récit romanesque au rythme intense, cette équipée fantastique débute avec le siège du quartier juif de Séville, à l'été 1391, en passant par le 29 avril 1492, date de la promulgation de l'expulsion des Juifs espagnols, pour se terminer sur la Santa Maria de Christophe Colomb.

Pour celles et ceux qui connaissent l'Espagne, qui l'ont visité, qui se sont penchés sur son Histoire extrêmement féconde, qui sont imprégnés du style mudéjar au point d'impacter leur imaginaire, vous lirez ce récit en apnée – rien ne nous est épargné – et en même temps, vous visiterez Tolède, Sarragosse, Avila, Madrid, Teruel, et tant d'autres villes. Vous découvrirez aussi la poésie d'Homero Aridjis dans des strophes empreints de lyrisme à l'image de ce passage, lorsque les juifs parviennent à Puerto de Santa Maria :

« Hommes et femmes montaient sur les bateaux en chantant : « Alors Yahvé dit à Moïse ; pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d'Israël qu'ils s'en aillent et toi lève ton bâton, étends ta main sur la mer, et ouvre-la ; et que les enfants d'Israël pénètrent au milieu de la mer et y marchent à pied sec. Alors, les enfant d'Israël marchèrent au milieu des flots et les eaux faisaient comme un mur à leur droite et à leur gauche ».

Juan Cabezon de Castille entraîne le lecteur avec lui à la recherche de son épouse, Isabel de la Vega, juive convertie, et de son fils, recherchée par les Pères Inquisiteurs afin de la mener aux supplices. C'est une véritable plongée au sein des communautés, de leurs us et coutumes, avec moult précisions sur leur vie quotidienne mais aussi sur les mentalités, les croyances, l'ignorance et les mécanismes d'une foule en liesse.

Cette impressionnante traversée de l'Espagne permet à l'auteur de retracer avec réalisme, de l'Aragon à l'Andalousie en passant par Tolède, Madrid, Saragosse, Teruel, l'atmosphère monstrueuse, suffocante, que fait régner l'Inquisition médiévale en traquant les Juifs convertis. Ce tribunal exceptionnel incite à la délation, il s'appuie sur les instincts les plus vils de l'être humain. Ce qui est effrayant et instructif, c'est le rituel qui est mis en place le jour du jugement. C'est ainsi que l'on apprend comment les inquisiteurs déterrent les ossements de juifs convertis décédés pour mieux les brûler et les réduire en cendres. Il n'y a pas de place pour la compassion ni pour le message du Christ. Dieu est pris en otage et en son nom, l'être humain commet les pires atrocités. L'Espagne s'enflamme de tous ces buchers du Nord au Sud. Les cris des suppliciés résonneront encore longtemps dans L Histoire espagnole. le pays sombre dans les ténèbres.

Il est à noter, néanmoins, que l'Eglise comme les rois catholiques, ont un grand sens de la gestion. Que ce soit un autodafé de notables juifs ou l'expulsion des juifs, tous les biens tombent dans leur escarcelle, il faut bien que l'antisémitisme d'Isabelle serve la couronne. Ce qui me rappelle « La rafle des notables » d'Anne Sinclair. Les nazis n'avaient rien inventé.


Le seul bémol de ce livre, la centaine de premières pages. Je me suis retrouvée dans une Cour des Miracles avec des dialogues incompréhensibles à la béotienne que je suis. En un mot, il faut patienter et c'est après avoir testé mon endurance qu'enfin, le récit s'amorce.

J'ajouterai que ce livre sert de support à notre réflexion sur toute forme de fanatisme, qu'il soit religieux, idéologique, politique. le dogmatisme enferme et ne laisse plus de place au doute, la personne s'enfonce dans un délire mental pathologique obsessionnel. Isabelle de Castille possédait une forte personnalité, douée d'une grande intelligence, chef des armées, elle a permis de terminer la « reconquista » mais son fanatisme jette l'ignominie, le déshonneur sur son règne. Actuellement, il y a un petit mouvement qui souhaiterait sa canonisation, vous pouvez aisément imaginer le rejet que cela suppose en Espagne d'une telle demande.

« Dans une maison de la juiverie de Sarragosse : Elle a franchi une petite porte, si basse qu'il fallait se plier en deux pour passer, comme si elle avait été conçue pour des nains ou des enfants, ou bien pour forcer le corps à faire acte d'humilité ».

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