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Critique de Nastasia-B


Voici une pièce édifiante. On y voit Trygée, un citoyen soucieux du bien public, prendre le taureau par les cornes (en l'occurrence un scarabée bousier géant) afin de se rendre sur cette improbable monture dans les sphères célestes afin de réclamer aux dieux le retour de la Paix.

Ce faisant, Trygée rencontre Hermès et lui indique sa requête de vouloir libérer la paix, incarnée sous forme d'une déesse. le messager des dieux lui indique qu'elle est enfermée dans une grotte avec la déesse des bonnes récoltes et la déesse de l'esprit festif.

Une pièce édifiante, donc, car c'est un appel à la paix vieux de bientôt vingt-cinq siècles. Une dénonciation des magouilles, des lobbys, des allégeances aux dieux et des démagogues qui, sous couvert de défendre un supposé honneur supposément outragé, poussent de toutes leurs forces à la guerre. Incroyable, on se croirait au XXIème siècle !

Peut-être bien qu'il y a quelque chose d'intimement, de viscéralement humain dans le désir de combattre et d'écraser l'autre. Guerre économique ou guerre au sens physique du terme, cela reste un désir de combattre et d'écraser l'autre, de lui faire rendre gorge en ayant joui au préalable du plaisir de le voir ramper devant nous en réclamant grâce, histoire de se croire grand et fort.

Aristophane montre aussi magnifiquement l'art des dirigeants, habiles à crier fort et à attiser la haine tout en envoyant des pauvres bougres au casse-pipe, des gens qui n'ont rien demandé mais qui sont obligés de combattre sous peine de sanction pour désertion. Les marchands d'armes ont des sourires jusqu'aux oreilles et prennent leurs petites commissions au passage. Les politiques cherchent un prétexte, le trouvent toujours et c'est parti pour la baston entre pauvres bougres. Bref, rien n'a changé.

Aristophane, comme à son habitude, a le verbe mordant, le ton satyrique, et l'humour gras, très gras, qui tape souvent en dessous de la ceinture. C'est en quelque sorte le Jean-Marie Bigard de la comédie antique. Je vous avoue que ce n'est pas ce que j'affectionne le plus, mais sur le fond, c'est d'une clairvoyance, c'est d'une vérité saisissante.

C'est également dans cette pièce qu'Aristophane nous laisse le mieux entendre son athéisme, ridiculisant, décrédibilisant et critiquant ouvertement l'usage qui est fait des dieux où le rôle trouble que ceux-ci jouent dans les conflits. Pour lui, un dieu ne peut pas être intéressant si de près ou de loin il est lié à un conflit ou, ce qui est pire, s'il est partie prenante d'une manière de business aux offrandes pour s'attirer ses grâces, sa protection ou son soutien. Ça ne vous rappelle rien ?

Chaque fois que je lis Aristophane, au départ ça me fait sourire puis, très vite ça me rend triste. Triste d'une tristesse absolue, car je me rend compte que rien n'a changé et que c'est donc probablement sans espoir. C'est l'homme qui est comme ça, incurable dans ses vices, tout au moins dans ses grandes lignes. Et l'on peut mettre tout le vernis de culture et de bonnes manières que l'on voudra dessus, chassez le naturel… il revient au galop. Satanée humanité, cupide, sordide, mesquine alors qu'elle pourrait être tellement autre chose. Merci Aristophane, tu m'as encore fichu le blues pour la journée. Mais je vais vous laisser en paix maintenant car ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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