AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de pierreglenat


Pierre Blanche, un hameau provençal d'une quarantaine d'âmes, 1972.

« Sa musette en vieux cuir portée en bandoulière, Diane s'enfonce avec grâce dans l'immense étendue de collines… libérant son attraction naturelle, son goût pour la solitude et son instinct de chasseuse » ; à 17 ans, elle est déjà une femme.

Sa tante Lorette qui l'héberge lui dit pourtant : « Surtout, sois prudente. Tu es dans l'illégalité et, de plus, tu es une fille. » Oui la chasse est traditionnellement une affaire d'homme, une quête virile dans ce combat inégal entre le mâle et l'animal.

Puis la rencontre avec Martial, chasseur débutant, dont les parents sont propriétaires d'un château, famille de Noblecourt, et du vignoble dans la plaine du Gastinet. Cette dynastie règne sur des usines de textile et des conserveries.

Focus sur Lorette : Diane à 11 ans perd ses parents dans un éboulement de terrain dans les Alpes. Lorette recueille sa nièce et veille désormais sur elle et son trauma : plusieurs mois de silence pour l'adolescente. Au lieu de suivre une scolarité normale, Diane choisira « l'infinie cour d'école des collines ». Dès lors l'orpheline se débrouille, braconnage et chapardage − plus quelques emplois précaires et services rendus – ou garder les enfants d'un couple d'Anglais, John et Jennifer Smith.

Surtout « Diane s'en remet à la nature sauvage, cette grande soeur qui s'occupe d'elle, la protège et lui enseigne la vie pratique et ses chausse-trappes. »

Les Smith et leurs enfants, Joanna et Ryan, deviennent sa deuxième famille.
Eux aussi ont été conquis par cette Provence que l'auteur décrit si bien, avec ses paysages – ses senteurs – le vol majestueux de ses oiseaux – ses sentiers sauvages – sa gastronomie – ses secrets et ses traditions.

Quant à Martial, que Diane croise de temps en temps, une attirance réciproque naît entre les deux, mélange de séduction de curiosité et de solitudes à combler. Diane l'initie à la chasse, Martial lui entrouvre la porte du château familial : leurs univers disjoints se mettent à converger.

Aussi Martin, ce garçon du village devenu légionnaire : il obsède les pensées de Diane en qui elle voit l'archétype de l'homme fort, courageux, défenseur de la patrie. En effet il part bientôt en mission au Tchad, Afrique de tous les dangers !

Mais pour Diane persiste une barrière douloureuse à franchir : le souvenir de ses parents décédés alors qu'elle avait 11 ans, comme si la vie s'était arrêtée pour elle. Ainsi elle avait abandonné l'école très tôt et son mode de vie de chapardage et braconnage ne lui laissait aucune perspective. Pourtant tout le monde louait son intelligence, sa débrouillardise et pensait qu'elle pourrait reprendre ses études. Entre-temps elle est embauchée au château des Noblecourt pour aider à l'entretien des chambres et au ménage. Signe du destin ? Elle y retrouve Marial, le beau jeune homme entrevu dans la nature, il est le dernier représentant masculin des Noblecourt.

Les talents de l'auteur :

Il sait décrire avec beaucoup de sensibilité et de nuances les interactions entre ses personnages. de plus la nature, par ses arbres – ses senteurs – ses animaux, devient un personnage à part entière, dialoguant subliminalement avec les autres. Ainsi, Alain Arnaud crée-t-il une féérie de laquelle émerge une ambiance surnaturelle quasi magique. Il y parvient par petites touches progressives, avec beaucoup de tact et d'élégance et au final nous subjugue !

Apprécions la poésie cosmique de l'auteur, qui évoque celle du Petit Prince :

« Les allumeurs de réverbères ont disparu depuis longtemps. Pourtant, quelqu'un éclaire chaque soir les étoiles pour guider arbres et végétaux dans leur lente transhumance vers la saison suivante. »

Quant à Diane, grâce à l'aide de Martial, qui lui conseille des cours par correspondance de comptabilité et de gestion, progressivement elle va sortir de sa condition de sauvageonne et accéder à un statut social plus prometteur.

Instant béni : Martial, parti aux États-Unis pour valider un cursus de droit international puis travailler à Washington plus tard à la Banque mondiale, invite Diane à le rejoindre.
Lorette, la tante de Diane, lui suggère de saisir sa chance, qui ne passe pas deux fois ! Arrivée à Dulles, aéroport de la capitale fédérale elle le rejoint et « dans la Chevrolet blanche, Diane s'appuie contre son épaule ».

L'oisillon provençal prend son envol sur une terra incognita, celle des rois du monde : moment magique ! Et bientôt son futur métier au magasin « Chic Women », à Georgetown. Mais d'autres épreuves attendent Diane…

Avec « La Braconnière » Alain Arnaud signe avec acuité et passion la quête existentielle d'une héroïne blessée par le destin.

Mais Diane, par une spectaculaire résilience, transcende sa destinée.
Telle une alchimiste, elle transforme le plomb de son enfance en or des lendemains qui chantent. Comme ces cigales de Provence qui subliment les paysages de vent et d'oliviers, elle se fond dans la beauté de ces ciels infiniment bleus.

Merci Alain Arnaud pour ce magnifique partage d'émotions !

« La Braconnière » – Alain Arnaud – éditions ExAequo, collection Blanche.










Lien : https://editions-exaequo.fr/..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}