Citations sur Noël au chaud (17)
Vous devriez accepter d’aller dans cette maison de vacances, madame Mallet.
— Pas cette année... Je préfère rester ici tant que je suis assez valide. Si vous le voulez bien, nous en parlerons l’an prochain.
Elle fit jouer la clé dans la serrure, mais sans la moindre impatience.
— Voyons, fit l’assistante avec émotion, vous ne pouvez persister à rester dans cet endroit... Tout le monde s’inquiète pour vous... M. le maire sera amené à prendre une décision...
— Une décision ? fit Mme Mallet, alertée.
— Il est quand même responsable de ses administrés.
— Je ne demande rien, absolument rien... Qu’on me laisse vivre en paix jusqu’à la fin de mes jours, tout simplement.
Léonie s'assit au centre de la pelouse et commença à gratter la terre avec une petite pelle de plage. Il devait y avoir une fourmilière sur laquelle elle règnait par la terreur défaisant le matin le travail de la nuit, éparpillant la terre fine, mettant au jour les galeries, se penchant pour observer les insectes tranporter fébrilement leurs gros oeufs. Puis d'un coup de pelle frénétique elle les écrasait, petit Dieu omnipotent sur ce monde en réduction.
— Vous savez, madame Mallet, tout le monde s’inquiète pour vous... Vous avez près d’un kilomètre à faire pour aller aux courses... Par n’importe quel temps... Un jour viendra où vous ne pourrez pas le faire...
— J’aurai bien droit à une aide-ménagère alors, fit Mme Mallet avec malice.
— Ce n’est pas certain. Elles ne sont pas nombreuses et en ce moment travaillent à temps complet. On ne pourra pas vous en attribuer une du jour au lendemain.
— Je vais peut-être faire installer le téléphone, il paraît que les personnes âgées y ont droit.
— Pour l’instant, il y a des impossibilités dans notre commune. Il faudra attendre plusieurs mois... Vous devriez accepter d’aller dans cette maison de vacances, madame Mallet
Six mille mètres. Sans cette parcelle, tout projet devenait impossible.
Et l’assistante sociale qui ne cessait de la harceler, hein ? Celle-là devait coucher avec le futur promoteur.
Six mille mètres. Sans cette parcelle, tout projet devenait impossible
— Je ne vendrai jamais...
— Ce n’est pas raisonnable. Lorsque vous vous êtes cassé le col du fémur, vous avez dû attendre jusqu’au lendemain qu’on vienne vous secourir. Vos voisins ont fini par s’inquiéter de ne pas vous voir aller et venir... C’était l’été.
Mais l’hiver les gens sont chez eux, font moins attention.
Vous ne pouvez plus rester seule. »
Combien toucherait-il si le lotissement se faisait ? Tous les autres propriétaires avaient accepté de vendre. On allait faire de petits immeubles, une nouvelle route qui permettrait d’agrandir le vieux chemin si étroit que deux voitures ne pouvaient s’y croiser. Mais elle refusait de céder son
jardin, sa maison.
« Vendez votre maison, placez l’argent en rente viagère et vous n’aurez plus aucun souci. Vous aurez votre chambre, la télévision, des repas excellents, un personnel dévoué.
Une infirmière diplômée qui s’occupe spécialement des personnes âgées."— Je ne vendrai jamais...
— Vous ne pouvez plus rester toute seule dans cette grande maison, fît-elle à voix haute en singeant le premier magistrat municipal.
Puis, effrayée et honteuse, elle regarda autour d’elle avec inquiétude. Pourvu que personne n’ait remarqué qu’elle parlait toute seule. Autrefois, du temps de Roudoudou, elle avait des occasions d’entretenir un dialogue à sens unique.
Mais depuis sa disparition elle devait se surveiller
elle avait oublié d’éteindre le gaz sous une casserole à manche en bois. Celui-ci s’était enflammé, mettant le feu à un journal posé sur l’évier avec quelques épluchures. De là les flammes avaient gagné les rideaux. Les vitres de la fenêtre ayant éclaté, il y avait eu appel d’air. Trois fois rien, quoi. Mais les gens s’affolaient bien vite en ce qui la concernait. Ils auraient très bien pu intervenir eux-mêmes sans téléphoner aux pompiers. De ce fait, le maire avait cru bon de venir s’entretenir avec elle, puis cette assistante sociale.
— Vous ne pouvez plus rester toute seule dans cette grande maison, fît-elle à voix haute en singeant le premier magistrat municipal.
Tant qu’elle n’apercevait ni son jardin ni sa maison en revenant de son marché elle était inquiète. Deux fois déjà les pompiers l’attendaient, un peu trop vite prévenus par des voisins malicieux.