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Critique de Wazlib


J'ai finalement peu lu Isaac Asimov, me cantonnant à quelques nouvelles par-ci par-là, sans jamais m'attaquer aux réputés mastodontes à la critique excellente que sont les cycles des robots et de fondation. Cela viendra en temps et en heure, évidemment, tant mes rencontres avec l'écrivain sont à chaque fois concluantes.
Vous trouverez dans « La Voie martienne » (« The Martian Way and Other Stories, 1955) 4 nouvelles de science-fiction, pour une pagination finalement assez modeste dépassant de peu les deux cents pages.

Dans la nouvelle éponyme, on suit donc des colons de mars acculés par la nouvelle politique terrienne de les rationner en eau. Problématique lorsqu'on sait que l'eau est le principal carburant des vaisseaux martiens et donc un composant indispensable à leur économie. Si problématique que certains ingénieurs envisagent l'impossible : récupérer de l'eau sur les anneaux de Saturne… Quelle belle entrée en matière ! de la science-fiction très classique (quelle ironie de dire ça d'Asimov, qui a grandement contribué à créer la notion de « classique »), avec du voyage spatial extrêmement bien mené ne se départissant jamais d'une belle fougue épique. C'est bien foutu, avec un contexte solide installé sans difficulté sur quelques dizaines de pages… Un cas d'école.
Dans un tout autre genre, « Ah ! Jeunesse » démontre une belle maîtrise des capacités de nouvelliste d'Asimov. Pour le coup, on est avec cette histoire de premier contact avec les extraterrestres dans la plus pure tradition de la nouvelle à chute et cela m'a fait extrêmement plaisir à lire (si vous lisez de temps en temps mes critiques, vous saurez que 1) j'adore les nouvelles, 2) j'adore les chutes). Force est de constater que la nouvelle à chute est d'une difficulté extrême de maîtrise narrative : de la retenue en sollicitant suffisamment le lecteur pour qu'il se plonge dans l'histoire, pas de superflu afin de ne pas perdre l'impact final et évidemment une chute assez excitante pour que le soufflé ne retombe pas. Je vous le jure, je pourrais passer ma vie à lire des nouvelles à chute (je vous en supplie, lisez quelques recueils de Stephen King si le doute persiste…). Et là, ça a marché : c'est un peu brouillon au départ, mais la fin m'a arraché un grand sourire.
« Les Profondeurs » est la nouvelle qui m'a le moins convaincu. Elle est loin d'être inintéressante : on y retrouve une critique très peu voilée de la normalité et des dogmes sociétaux, et du biais nécessaire d'interprétation (c'est presque l'allégorie de la caverne de Platon, à certains moments). Néanmoins, c'est dans cette seule nouvelle qu'Asimov perd un peu de sa fougue pour s'enfoncer dans un récit nettement moins rythmé que ses voisins, et disons-le, moins amusant…
« L'attrape-nigauds », enfin, aurait pu confiner au chef-d'oeuvre mais s'est révélée décevante. Un groupe de scientifiques sont envoyés sur une planète anciennement colonisée où tous les explorateurs ont mystérieusement disparu. A bord du vaisseau, un agent du service mnémonique : doté d'une mémoire dépassant l'imaginable, mais aussi affublé d'interactions sociales catastrophiques, cet individu pourrait être la clé de compréhension de toute l'affaire. La critique du savoir est ici fine et n'a jamais été plus actuelle : on s'amuse bien à observer tous ces scientifiques hyperspécialisés ne jurant que par leur domaine de compétence, en perdant la vision transverse nécessaire à l'établissement de toute science. Et c'est en l'occurrence quelque chose que l'on constate quotidiennement en médecine, avec nos spécialistes devenant toujours plus spécialisés et qui en sachant plus savent moins… La véritable déception de la nouvelle, c'est l'occasion manquée : Mark a une mémoire absolument gigantesque mais cela ne fonctionne pas par interaction directe. Sa grande masse de connaissance est mobilisée par des liens logiques, inconscient, venant mobiliser les souvenirs là où on ne les attend pas. Disons que Mark ne peut répondre à une question posée directement, ou du moins ne peut le faire en puisant dans cette mémoire gigantesque. Et c'est un coup de génie d'Asimov sur le papier : toute la nouvelle, on attend la chute incroyable, la phrase lâchée par Mark résolvant toute l'équation au détour d'une conversation… Mais l'auteur a fait un choix différent, qui malheureusement laisse le lecteur sur sa faim ! Quel dommage !

Bon, je ne vous fais pas de dessins : j'ai adoré ce petit recueil, pause bienvenue dans les quelques pavés que je lis actuellement et démontrant encore une fois la maestria d'Asimov qui décidément n'a pas volé sa réputation (pas la peine de me dire que je n'ai encore rien vu et qu'il faut lire « Fondation » : j'en suis déjà convaincu !).
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