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Critique de hcdahlem


«Je repartirai de zéro dans la vieille New York»

Madeleine Assas a réussi un premier roman aussi étonnant que passionnant. En suivant Ray, juif d'Algérie française, engagé comme Doorman à New York, elle nous raconte la ville qui ne dort jamais avec un oeil d'une acuité exceptionnelle.

Raymond est un vrai new-yorkais. C'est-à-dire qu'il vient d'ailleurs. Il a parfaitement assimilé les codes de la grande ville pour l'avoir inlassablement arpentée avec son ami Salah. Mais aussi parce que pendant plus de trois décennies, il a été Doorman dans un building de vingt-deux étages au 10 Park Avenue.
Son histoire a commencé sous le ciel d'Oran durant la Seconde Guerre mondiale, au moment où la police française rafle son père pour l'envoyer sur le continent. Un voyage dont il ne reviendra pas. le petit Raymond a pourtant imaginé, quand les Américains ont débarqué, que tout allait rentrer dans l'ordre. le garçon était loin d'imaginer qu'au début des années 1960, il lui faudrait à son tour monter dans un bateau pour Marseille, rejoindre Paris puis gagner l'Amérique. Comme beaucoup d'immigrés, il a commencé par de petits boulots, s'est retrouvé sur le marché aux poissons où il rencontre Salah qui deviendra son meilleur ami, mais surtout un guide merveilleux. Avides de découvrir leur nouveau pays, les deux jeunes hommes arpentent la ville bloc par bloc et découvrent une «ville aux multiples territoires, aux différentes langues, aux populations diverses, perpétuellement renouvelées, ville mouvante aux transformations permanentes». Une ville qui va devenir la leur.
Raymond, devenu Ray, va alors faire une seconde rencontre, tout aussi déterminante. Hannah Belamitz va bon seulement lui proposer d'occuper la place vacante de Doorman dans son immeuble, mais également lui offrir d'y loger dans un studio du dernier étage. C'est aussi avec Hannah que Ray va se retrouver coincé dans l'ascenseur lors de la panne d'électricité du 9 novembre 1965. C'est du reste avec cet épisode marquant de la ville que Madeleine Assas choisit d'ouvrir son roman. Immobilisés dans le noir, ils tuent le temps et vont échanger un baiser. «On ne sait pas vraiment quand le baiser commence. Même espéré, même attendu, cet instant fugace est en général oublié. Je pense que c'est elle qui m'a embrassé. D'abord. Ce baiser ne fut ni le début mi la fin de quelque chose. Il s'inscrivit, à l'instar de la panne, comme un soupir, une interruption infinitésimale sur l'échelle du temps, avant que le monde ne reprenne sa course, le chaos urbain son désordre organisé et l'ascenseur, sa montée vers le dixième étage.»
Ajoutons qu'à compter de ce jour Hannah deviendra une personne à part dans sa vie même si, fonction oblige, il reste très discret sur leurs relations tout au long des années. Une discrétion qui prévaut aussi sur sa vie privée. C'est tout juste si on fait la connaissance de ses petites amies successives comme Rivka la Polonaise ou Lindsay l'Américaine. Car on sent bien que sa famille, ce sont les habitants de l'immeuble qu'il va suivre – pour certains – jusqu'à leur mort ou, pour les enfants, jusqu'à leur envol dans la vie. Avec une tendresse particulière pour Alma.
Un microcosme, une communauté qui nous donne à vivre et à comprendre New York de l'intérieur, notamment lorsque l'on complète le tableau avec les autres Doormen, Herman, Zacharie et les autres. Autant d'immigrés, autant de destins.
Madeleine Assas a parfaitement réussi son projet. Ray est effectivement «le guide idoine dans la ville-monde pour raconter, à travers son regard curieux, bienveillant, et ses pérégrinations nostalgiques, notre lien entre un passé qui s'effrite inexorablement, à l'image des entrailles d'une vieille mégapole en constante transformation, et un futur incertain, perpétuellement projeté, tours de verre de nos utopies.»



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