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Critique de GeorgesSmiley


Quelle réussite dans ce fourre-tout littéraire ou dans ce « placard aux souvenirs » comme dit l'auteure. On y trouve de tout, l'Histoire anglaise d'abord de 1888 à 1992, au prisme des heurs et (surtout) malheurs de la famille de Ruby, la narratrice. Vous pensez bien qu'une famille ordinaire ne traverse pas deux guerres mondiales sans chagrins. Des objets ensuite, de petits objets mémoriels, témoins lointains de l'histoire de cette famille : la pendule de l'arrière-grand-mère, un médaillon, une patte de lapin et trois photos : Alice en 1888, seule, alors qu'elle est enceinte de Nell son septième enfant, une autre avec ses enfants et une dernière qui concerne l'équipe de football dans laquelle opérait Albert un des frères de Nell, la grand-mère de Ruby au tournant de 1910.
Ces objets, sans valeur marchande comme il y en a tant dans presque toutes les familles, Kate Atkinson leur donne le pouvoir de réveiller sa mémoire en faisant revivre tous ses chers (et même moins chers) disparus et en dépoussiérant la mémoire familiale qui, pour être officielle, n'en est pas moins, parfois, amnésique, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas très convenable. Vous, je ne sais pas, mais moi les objets mémoriels ça me parle. Par exemple, je n'utilise qu'une seule marque de dentifrice. Je ne sais pas ce qu'elle vaut vraiment mais c'était celle qu'utilisait mon père disparu il y a quarante ans. C'est stupide mais c'est un lien qui fonctionne, trois fois par jour, et que je ne saurais rompre. Pardonnez cet aparté et repartons « Dans les coulisses du Musée » où Ruby, fine mouche, s'aperçoit que les deux photos d'Alice ne sont pas du tout ressemblantes, ce qui permet à Bunty de préciser que sur la deuxième photo, ce n'est pas Alice mais Rachel avec les enfants d'Alice. Qui est Rachel, pourquoi Rachel, comment ? Aurais-je piqué votre curiosité ?...dans toutes les bonnes librairies.
De nombreux drames familiaux, souvent décrits avec beaucoup de détachement par les yeux de l'enfant qu'était Ruby, émaillent un récit très émouvant, en particulier lors des deux guerres mondiales. Cela n'empêche pas les portraits de famille d'être souvent peints avec une ironie féroce, les deux principales victimes de l'esprit caustique de Ruby étant ses propres parents George et Berenice, surnommée « Bunty ». Parfois, la petite histoire familiale percute avec une furieuse drôlerie celle de l'Angleterre. le couronnement d'Elisabeth en 1953, suivi à la télévision acquise pour l'occasion, et la victoire en Coupe du Monde de football en 1966, le jour du mariage de l'oncle Ted, donnent lieu à deux scènes d'anthologie. On flirte avec les Monty Python car évidemment, c'était une très mauvaise idée de programmer un mariage le jour où Wembley accueillait la finale de la CDM. George l'avait bien senti comme le démontre cette conversation avec Bunty…
« _ le mariage ? fait George visiblement perdu. Quel mariage ?
_ Celui de Ted, bien sûr. de Ted et Sandra.
_ Ted ?
_ Oui, Ted, mon frère.
Le regard de George restant aussi vide, elle continue charitablement:
_ Ted et Sandra. Ils se marient samedi. Ne me dis pas que tu avais oublié ?
_ Ce samedi ? Mais…
George semble frappé du haut mal. Il bredouille un moment puis s'exclame:
Ils ne peuvent pas se marier samedi ! C'est la finale de la Coupe du Monde…»
… Une tellement mauvaise idée que trois jours plus tard, on célèbrera, en plus de la victoire anglaise, un enterrement… Pensez simplement à ce que peut faire un écrivain de talent avec un mariage où les femmes ne rêvent que de danser et les hommes de s'agglutiner devant un poste de télé ! Je n'en dis pas plus, sinon que ce chapitre, intitulé « un beau mariage », est un des plus drôles que j'ai jamais lus.
Quelle formidable chronique familiale chargée d'émotion et pleine d'humour ! J'ai vraiment hâte de partir à la découverte des autres romans de Kate Atkinson.
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