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Critique de Sando


De la littérature persane, chacun connait de près ou de loin les Mille et une nuits, contés nuit après nuit par la rusée Shéhérazade afin d'échapper au destin funeste que lui réserve son époux, le sultan Shahryar. Inspirés de la plus pure tradition orale, ces contes font appel à l'imaginaire collectif et populaire afin d'enseigner et de divertir. On retrouve chez ‘Attâr un même procédé littéraire qui consiste à imbriquer les récits les uns dans les autres et à les mettre en miroir afin d'en souligner l'unité et le sens profond. En revanche, son ambition littéraire et sa volonté d'enseigner au lecteur sont beaucoup plus marquées et affirmées.

Ecrit au XIIème siècle, « le Cantique des oiseaux » est un long poème mystique composé de 4726 vers. On y retrouve l'imaginaire fantastique et merveilleux des contes et celui, plus mythologique, inspiré des légendes. Les références religieuses sont omniprésentes et pour cause, puisque le poète ‘Attâr tend à rendre gloire à la toute-puissance de l'Eternel dans cette parabole mystique qui s'inspire d'épisodes tirés à la fois du Coran et de la Bible.

Il nous conte ainsi la quête longue et dangereuse de milliers d'oiseaux qui, guidés par la huppe, vont devoir traverser les sept vallées, placées chacune sous un sceau, celui du Désir, de l'Amour, de la Connaissance, de la Plénitude, de l'Unicité pure, de la Perplexité et pour finir celui du Dénuement et de l'Anéantissement, s'ils veulent espérer rencontrer la majestueuse Sîmorgh, l'être suprême parmi les oiseaux. Pour parvenir à leur but, chacun va devoir se libérer de toutes ses attaches terrestres et s'oublier lui-même afin d'élever son âme et d'accéder au royaume céleste. Mais le doute et la peur ne cessent de réapparaître au cours de leur long voyage et c'est à travers des fables et des paraboles que la huppe parvient peu à peu à purifier le coeur des plus téméraires, jusqu'à leur permettre d'atteindre l'extase suprême…

A la fois grand classique de la littérature persane et grand manifeste soufi, « le Cantique des oiseaux » est un récit initiatique sublime et puissant, véritable ode à la gloire divine. La poésie de la langue se mêle avec délice à celle des images. Paraboles, métaphores, allégories se succèdent pour dépeindre avec la plus grande pertinence un état d'âme, un trait de caractère ou une passion dévorante. Tout est magnifiquement imagé, jusqu'au texte illustré par des tableaux, des gravures et des représentations empruntés à l'art arabe qui permettent de mettre en lumière avec beaucoup de finesse et d'élégance certaines scènes du poème. A souligner à ce propos le magnifique travail d'édition de Diane de Selliers qui a su conserver les couleurs chatoyantes et la splendeur des oeuvres des artistes de l'époque.

« le Cantique des oiseaux » a donc été pour moi une étonnante découverte. J'ai été complètement séduite par la traduction de Leili Anvar qui rend à merveille la poésie et l'harmonie du texte. En revanche, et ‘Attâr lui-même le dit très bien vers 4511 :

« Mon oeuvre porte en elle une vertu étrange
C'est que plus tu la lis, plus elle est généreuse
Plus tu pourras la lire, sans cesse y revenir
Et plus à chaque fois tu goûteras ses mérites »

Ainsi donc, de par sa forme et ses nombreuses références historiques, littéraires et religieuses, « le Cantique des oiseaux » est un ouvrage dense et ardu pour les non-initiés, dont je fais partie. Un texte qui se goûte, s'apprécie, se digère et qui demande une certaine patience avant de se révéler et de se laisser approprier, temps qui m'a malheureusement manqué en raison des délais convenus par le partenariat. Il est frustrant d'avoir l'impression d'être passée à côté de tant de choses lors de cette première lecture et ce, malgré les nombreuses notes explicatives particulièrement passionnantes que l'on trouve à la fin du poème. La préface, quant à elle, est tout aussi riche et intéressante et permet de remettre l'oeuvre et son auteur dans leur contexte. C'est donc un ouvrage vers lequel je reviendrai, souvent, dans l'espoir d'en apprendre chaque fois un peu plus…

Je tiens à remercier vivement Babelio et les éditions Diane de Selliers pour ce partenariat des plus enrichissants !
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