(...) si le factchecking aide souvent des personnes de bonne foi à ne pas se laisser berner par des rumeurs manipulatrices, il semble n'avoir aucune prise sur ceux qui se considèrent comme éveillés.
Ils soulevaient des interrogations que je partageais. Je ne saurais pas l'expliquer, mais quelque chose sentait mauvais, je m'en rendais compte intuitivement, au plus profond de moi, m'explique-t-elle. Ce qu'ils disaient, ça résonnait.
Dès lors, mon amie dépose les armes de l'esprit critique et adopte leurs théories farfelues.
Toute forme de nuance est perçue comme un risque pour le groupe.
Ultra- spécialisée et prudente, la science contemporaine refuse à la population tout espoir d'une compréhension simple, rapide et satisfaisante de la pandémie, alors que l'angoisse collective est à son apogée.
Pour lui, comme pour nombre de "résistants", le complotisme constitue le pilier d'une construction narcissique.
(...) on verra qu'en Occident le complotisme entretient souvent des liens étroits avec le conservatisme religieux.
Du reste, pour Pépito, la réalité de ces groupes [illuminatis, etc.] est un faux problème, l'essentiel étant à ses yeux l'impression, partagée par tous ses camarades, que les décisions des plus puissants ne vont pas dans le sens du "peuple". "L'injustice, c'est ça la réalité du combat complotiste", m'explique-t-il.
[...]
En somme, peu importe qui sont ces mystérieux et haïssables conjurateurs : pour les éveillés, ils expriment avant tout un principe explicatif de leurs malheurs et de leurs souffrances.
Espérer amener un complotisme à revoir ses positions relève généralement de la chimère.
Dans le monde ultrasuspicieux du complotisme, la conviction d'être cerné par des ennemis aux aguets est omniprésente.
Le complotisme est moins une affaire de catégorie socio-professionnelle que de situations de vie. Il est l'arme de ceux qui se retrouvent en position d'impuissance.