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Critique de Renod


Renod
14 novembre 2016
Dès cinq heures, la rue de ce quartier populaire résonne de l'écho des hommes qui partent au travail. Les portes des immeubles insalubres claquent, les semelles sont traînées dans la boue, des éclats de voix, de toux, et parfois des rires remontent le long des façades. Les premiers à partir sont les immigrés italiens. Ils sont maçons ou terrassiers et occupent les maisons les plus insalubres de la rue. Ils sont suivis par les ouvriers qui prennent le chemin de l'usine Té. Pour se réchauffer et vaincre le vague-à l'âme, ils s'arrêtent parfois au bistro de Minche boire un verre de liqueur et acheter un litre de rouge. Les journées de labeur se suivent et paraissent sans fin. le dimanche, les coeurs noyés dans le vin blanc se réchauffent au son des accordéons.

Méhoul partage la vie besogneuse du peuple de la « Rue sans nom » depuis plusieurs années quand son passé se rappelle brutalement à lui. Un soir d'hiver, il reçoit la visite d'un ancien complice, surnommé Finocle, qui lui demande de l'héberger. L'homme s'installe dans une des chambres du modeste appartement avec sa fille Noa dont il s'est très peu occupé jusqu'à présent. La beauté fatale de la jeune femme va déchainer les passions et bousculer la routine de la rue. Autre motif de trouble : les riverains apprennent que leurs immeubles vont être détruits pour permettre la construction de bureaux.

« La rue sans nom » est un roman populaire affranchi de toute idéologie ou mouvement littéraire. Marcel Aymé dépeint le prolétariat ouvrier qui trime durement et dont les conditions de vie sont miséreuses. Il décrit des hommes fatigués, résignés qui ne s'égaient que dans l'alcool ou dans la lubricité. Les femmes sont souvent battues et les enfants grandissent dans la rue où ils attrapent des typhoïdes qui leur sont fatales. L'auteur évoque la xénophobie latente contre les immigrés italiens accusés de faire baisser les salaires et de séduire le coeur des femmes. J'ai deviné quelques références à Germinal ; le patron du bistro, par exemple, m'a fait penser à l'épicier de la mine (Minche/Maigrat => Mince/Maigre, pour des hommes obèses). J'avais adoré la description burlesque du monde paysan dans la Vouivre. Ici le ton est plus grave pour parler du prolétariat mais c'est également l'apparition d'une femme enchanteresse qui va être à la source de nombreux événements. Ce n'est pas qu'un roman sur le monde ouvrier, il est question d'hommes qui fuient leur quotidien grâce à l'amour, la folie ou l'aventure. Un livre chaud d'humanité, moins connu dans la bibliographie de l'auteur, mais d'une très grande qualité.
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