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Critique de SophieLesBasBleus


Je garde une impression assez mitigée après la lecture du livre de Gaël Aymon. En effet, si j'ai été absolument épatée par la richesse et l'inventivité de l'univers dans lequel évoluent les personnages, j'ai parfois eu du mal à me représenter le fonctionnement de cette société où règne la prédétermination.
Cela tient probablement au fait que le récit soit construit autour du seul point de vue de Grim, un enfant justement prédestiné à tout ignorer et, au début, incapable de communiquer avec les autres. Si bien que tous les repères du lecteur disparaissent et qu'il lui faut accepter de ne se laisser porter que par la narration. Par exemple, le vocabulaire désignant les lieux et les fonctions se réfère, au début, à la société des abeilles (la Ruche, le grand nid, le couvain, la Reine...) et il m'a été difficile de m'imaginer les personnages comme des humains. de plus, les rôles de chaque "caste" de cette société ne prennent sens que très tardivement dans le récit : que sont les Damoiseaux et Damoiselles ? Quelle est leur origine ? Sont-ils enfants des Dames et des Sieurs des Haras, comme les chapitres 7 et 8 le laissent entendre ? Ou bien sont-ils enfants de la Reine comme le raconte Ukim (p. 308) "C'étaient des bébés minuscules, qui étaient envoyés par les quatre tunnels dans les quatre zones du Palais : une pour les enfants Auxiliants, une pour les Servants, une pour les Combattants, et une autre pour vous, mes Damoiselles et mes Damoiseaux !" ?
La fin du roman apporte, certes, beaucoup de réponses et si les principes de cette société deviennent plus clairs, un certain flou a continué, pour moi, de baigner tout ce qui amène l'issue du récit. le foisonnement de cet univers le rend complexe à appréhender dans le détail, en tout cas lors d'une première lecture. Les difficultés de compréhension viennent également, me semble-t-il, du style de la narration. Pris en charge par Grim, enfant muet, ayant grandi hors la société où il se trouve projeté, le récit est conduit dans un registre familier oralisé (absence de marques de négation, ellipses syntaxiques, pas toujours de concordance des temps). Ce qu'il voit est, pour lui, incompréhensible car il ne possède pas les codes régissant cette organisation sociale. le lecteur est donc dans la même situation, ce qui permet l'identification, le suspense et la crainte. La cohérence de ces choix narratifs est indiscutable, mais il n'en reste pas moins que cette écriture ajoute, à mon avis, une difficulté de compréhension. Mais peut-être que des lecteurs plus jeunes y seront moins sensibles que moi !
Ce qui m'apparaît, en revanche, extrêmement stimulant et fécond ce sont les thématiques portées par ce roman étonnant. Que ce soit les résonances avec notre société actuelle, le respect des différences, les significations philosophique, politique, sociale, du "vivre ensemble", la définition de la rébellion, la cruauté d'un monde fondé sur l'apparence, ou les risques des manipulations génétiques, les sujets de réflexion ne manquent pas ! En ce sens, le roman de Gaël Aymon ouvre tout un champ d'interprétations d'une richesse considérable et permet de prolonger l'aventure de Grim par de multiples débats tant littéraires que philosophiques.
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