La liberté, enfin! C'était trop beau pour être vrai. Trop effrayant aussi...Séléné Savel à Darcourt, le lycée le plus snob de Paris. Je m'y donnais autant de chances de survie qu'une souris paralytique lâchée dans un enclos de chats affamés."
J'avais des sueurs froides, et de la fièvre. Les symptômes de l'amour ressemblent étrangement à ceux d'une urgence médicale.
Pas de télévision, pas d'internet, pas de téléphone portable... J'avais l'impression d'être le cobaye d'une expérience scientifique vouée à rayer de la vie d'une adolescente lambda toutes les avancées technologiques du siècle. La phase finale venait de s'enclencher : le savant sadique- alias mon vénérable père- avait décidé de me plonger dans le monde réel afin d'étudier mes réactions et mesurer mon stress.
Le temps est une mécanique étrange. Il a le don merveilleux de se suspendre l’instant d'un regard.
"Je me sentais sale et vide. Vide d'amour, vide d'espoir. Anesthésiée."
J'avais appris à mes dépens que l'on ne pouvait pas tout justifier au nom de l'amour, que c'était l'excuse des lâches et des faibles.
La réalité s'imposa à moi, impitoyable. Ce n'était pas la première fois que je croyais apercevoir ma mère. Les mois qui avaient suivi sa disparition, je la croisas partout. Dans les magasins, dans la rue, à la sortie de l'école. Il me semblait reconnaître son allure, son visage et pendant quelques secondes, le bonheur m'étouffait... Et je me retrouvais face à une étrangère, le coeur lourd. Mon père m'avait dit que le chagrin perturbe notre perception du monde. Egratignée par les déceptions sans fin, j'avais cessé de courir après des fantômes.
"Une comète venue d'ailleurs
a déchiré mon firmament.
Tes yeux sont ses nouvelles étoiles.
Tu es ma lune, et mon tourment."
C'était peut-être ça, devenir adulte : oublier son identité, et s'en inventer une autre, encore et encore, à l'infini.
Cela paraît impossible, mais peu à peu, on apprivoise la tristesse. Mais c'est long, et déstabilisant, parce qu'on a l'impression de trahir, d'oublier.