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Gilgamesh est le livre d'une vie. Auquel on repense, et l'on revient périodiquement. Comme il est ouvert à toutes les interprétations, il donne nécessairement à réfléchir. En dehors des poèmes dont la beauté transparaît, malgré l'infranchissable mutisme d'une langue perdue depuis des millénaires, la grande morale reste éternelle: comment supporter l'insurmontable scandale de la mort? "Je veux aller bien loin par la plaine! Je ne sais comment me taire; je ne sais comment crier! Mon ami que j'aimais n'est plus que fange!" Ca ne touchera que ceux pour qui amitié a encore un sens, que ceux qui auront connu la mort et l'auront éprouvée durement, que ceux qui auront connu la guerre et son injustice foncière, que ceux qui ont compris par la révélation du néant qu'il n'y a pas d'au-delà et qu'une fois mort, on est foutu.

Mais au-delà du concret, l'amitié de Gilgamesh et d'Enkidu, c'est aussi la condition humaine elle-même, symboliquement tiraillée entre la volonté du surhomme inaccessible et le bonheur perdu du bon sauvage. Mais cela aussi, il faut avoir vécu pour le sentir vivement. Et c'est encore vrai des paroles de Gilgamesh en réponse aux avances d'Ishtar. La grande morale de ce récit d'avant les Temps, mais qui n'appartiendra jamais au passé parce qu'il parle de ce qui, justement, ne passe pas et ne passera jamais tant qu'il y aura des hommes - la grande morale de ce récit, c'est qu'il faut vivre. Se débarrasser de tout ce qui fait écran entre la vie et nous, parce que rien ne dure: "Est-ce pour toujours que nous bâtissons nos maisons, pour toujours que nous marquons de notre sceau ce qui nous appartient?" Non.

C'est pourquoi il faut profiter de la vie tant qu'elle dure, vivre en harmonie avec la nature, se consacrer aux siens, faire preuve envers les autres d'humanité et leur témoigner amitié et justice. Sans doute, les blasés trouveront que c'est bien médiocre et pas du tout pétillant. C'est parce qu'ils projettent leur propre médiocrité sur ce qu'il y a de plus beau et de plus fort en ce monde. Après tout, "blasé", n'est-ce pas l'appellation classique du no-life? "Il y a des hommes, O Roi, qui vivent une vie qui ressemble à la mort, et quand ils sont retournés à la boue, on ne voit pas la différence"...
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L'épopée se présente comme un long poème divisé en chapitres et qui se lit d'avantage comme un conte. Toutes les grandes questions de l'humanité y sont abordées et c'est en ce point que le mythe reste extrêmement actuel. Je ne suis pas née en Syrie, ni en Irak – pays correspondant à l'ancienne Mésopotamie - mais je suis pourtant héritière de cette mythologie au même titre que chaque être humain. L'amitié, l'amour, la femme en tant qu'initiatrice, les rêves, la guerre, le courage, la mort, l'immortalité sont au coeur du récit. Les motifs mythologiques font notamment échos aux mythes égyptiens, grecs, monothéistes, qui suivront : le dieu-soleil, le batelier du royaume des morts, l'homme-scorpion gardien de la montagne, le déluge, la traversée des ténèbres, etc. J'ai bien conscience du caractère extrêmement superficiel de ce billet au regard des vies passées à décrypter, traduire, interpréter ce texte. Je ne prétends pas le comprendre – quoique le conte en soi est largement accessible à tous -, mais j'espère a minima vous convaincre d'y jeter un oeil. Il fait partie des rares oeuvres communes à un très grand pan de l'humanité - si ce n'est à toute l'humanité – et il me semble nécessaire de l'avoir présent en arrière-plan de l'esprit, ne serait-ce que pour se remémorer nos origines et intégrer un tant soit peu la richesse des cultures qui se sont croisées jusqu'à produire nos société actuelles dans toute leur complexité.
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Dans cette oeuvre fracturée (par la faute de tablettes inégalement préservées), il est émouvant d'entendre les plus anciens échos de voix humaines que l'on puisse trouver en littérature. Ils nous révèlent une esthétique et des valeurs très différentes des nôtres. Nos distinctions habituelles sont peu propices à appréhender cette narration où le minimalisme se mêle à la répétition insistante, et ce récit où la démesure côtoie l'ellipse (pas seulement à cause des fragments manquants). On aperçoit tout de même de nombreux points communs avec les autres grandes mythologies à venir, par exemple l'amitié entre deux héros aux tempéraments guerriers, vouée à s'achever prématurément, qui fait penser à celle entre Achille et Patrocle. Par le merveilleux épique propre à l'épopée, on retrouve aussi un monde aux dieux anthropomorphes, qui procréent avec les hommes. Gilgamesh étant lui-même fils d'une déesse.

La héros et son ami Enkidu peuvent sembler étonnamment puérils jusque dans leurs exploits. L'arrivée et la disparition d'Enkidu sont d'ailleurs toutes deux des punitions adressées à Gilgamesh, puis à son ami, comme à des enfants turbulents. Ils ne sont guère portés sur la diplomatie, comme le prouvent leur rencontre initiale sous forme de rixe, leurs confrontations violentes avec d'autres personnages qui ne leur avaient rien demandé ou les invectives adressées à certains dieux eux-mêmes. Il y a là une forme d'inconscience, d'insouciance. Mais en testant ses forces en permanence, Gilgamesh, ce géant en apparence invincible, est amené à découvrir leurs limites, à l'extrême orient du monde, là où le soleil s'élance de la mer souterraine et poursuit sa route dans les strates célestes, où les dieux les plus inaccessibles font pleuvoir leurs châtiments, dont le plus terrible, aux yeux du « grand homme qui ne voulait pas mourir », est la finitude de sa race, condamnée à retourner à l'argile originel. Très porté sur l'oniromancie, ce récit est peut-être lui-même un grand rêve prémonitoire, qui annonce la mort, mais permet aussi aux morts de nous parler encore, pour nous dire à quoi ressemblait leur vie.
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Un trésor d'archéologie, vieux de plus de 3000 ans, qui reste méconnu ; un texte gravé sur des tablettes d'argile, en caractères cunéiformes, qui se déchiffre comme la pierre de Rosette, ce texte fragmentaire, n'a-t-il pas de quoi faire fantasmer tous les lecteurs ?

On découvre dans l'épopée de Gilgamesh une civilisation d'une richesse inouïe, fascinante, mésopotamienne. Depuis la lecture de ce texte, je me dirige automatiquement dans les musées vers le département des Antiquités Orientales, et j'y passe plus de temps que dans les départements d'Egypte antique ou De Grèce antique parce que j'y découvre quelque chose que je ne connaissais pas et puis ça me parle d'autant plus actuellement, parce que ces vestiges des peuples guerriers de l'Antiquité, ces énigmes, d'une civilisation inconnue, me laissent méditer sur les évènements actuels : ce qui se passe en Irak, en Syrie, etc. On essaie de comprendre la guerre comme on peut quand on aime profondément l'humanité mais qu'on est tellement horrifiée par la violence, qu'on se demande si l'homme n'est pas une créature monstrueuse. Au British Museum, il y a des pans de murs gigantesques, représentant - entre autres - une magnifique chasse aux lions et ça se déploie sur des dizaines de mètres. C'est très beau, ces détails qui nous viennent de Ninive, ces vestiges de l'empire néo-assyrien. Les lionnes mourantes, criblées de flèches, souffrantes mais majestueuses, me remuèrent quelque peu. Saviez-vous que ces trésors de la civilisation du Proche-Orient ayant résisté à l'épreuve du temps pendant des millénaires sont la cible des hommes qui font la guerre (à leur nature peut-être - sauf si c'est la nature cruelle de l'homme qui parle) ; qu'ils font la guerre à leur propre histoire, à leur culture ? Il est peut-être préférable que les hommes violents s'en prennent aux morts qu'aux vivants, mais je ne sais pas, je trouve ça profondément triste moi parce que c'est l'histoire de l'humanité, ces constructions en ruine, et ces destructions massives en font partie, certes. le Déluge - ce passage fondamental de l'Ancien Testament – trouve sa source dans ce texte fondateur – peut-être que le chaos fait partie de l'ordre des choses, après tout, que sais-je ?
Gilmamesh, roi d'Uruk mais aussi dieu des enfers : est-ce un roi ayant réellement existé ou bien n'est-ce qu'un mythe ? On parle dans ce récit poétique, allégorique, de la vie et de la mort, d'une quête vers l'immortalité, de l'initiation d'un roi guerrier, un demi-dieu, un héros orgueilleux, un tyran sublime. Il rencontre Enkidu, un sauvage, qui a grandi et vécu longtemps seul, comme un ermite, en pleine nature, et à qui on apprend ce qu'est la civilisation. Ces héros, qui se vouent une amitié éternelle, au-delà de la vie et de la mort, se lancent dans une série d'exploits, et combattent Humbaba, le gardien des cèdres ( un personnage que j'aime beaucoup, Humbaba), puis un Taureau sacré, envoyé par Ishtar (ou Inanna), la déesse de la vie, de la fertilité, de l'amour et de la guerre. le rôle des femmes et des déesses, de la sexualité, dans cette épopée antique, qui suit le chemin de ces deux héros si virils mérite qu'on s'y intéresse de plus près. D'autant plus lorsqu'on sait que Gilgamesh a une déesse pour mère : Ninsun, la protectrice, la "dame-bufflesse"en sumérien.
Gilgamesh, c'est un constructeur parce qu'il érige des villes, notamment grâce au bois – des cèdres - qu'il exploite - c'est l'homme qui se bat contre la nature – parce qu'il se bat contre le gardien de la forêt – contre un animal sacré. Gilgamesh, c'est encore celui qui se révolte contre la nature cruellement mortelle de l'homme et qui se lance dans cette quête de l'immortalité qui compose la seconde partie de l'épopée. Gilgamesh, ce roi, et Enkidu, son ami fidèle, rêvent, et interprètent leurs rêves, y compris les rêves d'Enkidu lui annonçant sa mort prochaine et la mort d'Enkidu marque un tournant dans la vie de Gilgamesh parce que c'est ce rappel de la mortalité de l'homme qui fait qu'il erre à son tour dans la nature, vêtu de peaux de bête, de lions qu'il tue de ses propres mains. Oui, l'homme combat la nature depuis l'Antiquité, parce que l'homme est un être "civilisé" ...
En tout cas, si vous aimez les mythes, ou L Histoire antique, je vous conseille cette lecture, ce trésor inestimable et je remercie ceux qui ont su préserver ce texte et qui ont su le recomposer, jusqu'à sa forme poétique et même si le texte reste inachevé, il n'empêche en rien que la vie de Gilgamesh prenne fin – à moins qu'il ne s'agisse pas de la fin ? Gilgamesh meurt-il ? Qu'y a-t-il après la fin d'une histoire sans fin, inachevée ?
Qu'y a-t-il avant et après la mort ? Qu'est-ce que la vie ?
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Récit épique et poétique, aussi ancien que l'écriture même, cette version de l'épopée de Gilgamesh bénéficie du choix du traducteur: rien ne vaut finalement un poème pour redire la toute première épopée humaine.
Deux tiers dieux, un tiers homme, Gilgamesh règne et aime, se lie d'amitié, craint la mort, explore les grandes forêts de cèdres et terrasse des géants, et le lecteur est conquis. Ceci est l'un des textes fondateurs des mythes humains et il est toujours aussi sublime, des milliers d'années après avoir été raconté pour la première fois.
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Le plus vieux texte littéraire de l'humanité. Une histoire fascinante, parce qu'elle paraît tellement archaïque, de par ses moeurs, mais à la fois tellement proche de nous, de par ses préoccupations : le pouvoir, l'amitié, la mort.

On sent aussi chez les hommes de cette époque une inquiétude, un manque de contrôle évident vis-à-vis de la nature et des éléments, une crainte colossale des dieux auxquels ces phénomènes étaient attribués.
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Magnifique texte, fabuleuse histoire que celle de Gilgamesh en quête d'immortalité, écrit en sumérien, traduit en babylonien, en assyrien, en hittite, en hourite et qui chemina jusqu'à nous gravé sur des tablettes d'argile.
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Le commentaire ci-dessous ne s'agit pas spécifiquement du livre d'Abed Azrié. J'ai lu différentes traductions et introductions, et alors mes notes sont plus-tôt générales. Traduire Gilgamesh s'avère être une affaire délicate : il existe tellement de versions différentes de cette histoire, de tant d'époques différentes (étalées sur 2 millénaires), et parfois très incomplètement transmises. Comme Michael Schmidt l'écrit à juste titre dan ‘La vie d'un poème' : La traduction de Gilgamesh est un puzzle incroyable, nécessitant une interprétation continue, résultant en un texte défilant sans fin qui est inévitablement fortement coloré par la propre entrée du traducteur/lecteur.
Si vous regardez l'histoire de l'origine, de la redécouverte et de la reconstruction de ce texte, alors cela vous donnera certainement le vertige. Prenez par exemple le temps coulé entre le fragment le plus ancien que nous ayons trouvé (vers 2100 avant notre ère) et la version standard qui a été compilée quelque part entre 1300 et 1100 avant notre ère : plus de mille ans. Ou le temps entre cette version standard et la version la plus complète trouvée dans la bibliothèque d'Assurbanipal à Ninive, vers 650 avant notre ère : environ 500 ans. Dans mes propre études d'histoire à l'université, nous avions un (petit) cours de paléographie dans lequel on nous expliquait à quelle vitesse les scribes du Moyen Âge faisaient des erreurs ou même faisaient des ajouts ou des changements conscients chaque fois qu'ils copiaient un texte ; dans un laps de temps relativement court, un texte largement « corrompu » pourrait ainsi être créé. Qu'est-ce que cela n'a pas dû être pour la période mésopotamienne, où les textes étaient continuellement copiés, c'est-à-dire encore et encore avec des marqueurs cunéiformes pressés dans de l'argile molle, souvent par les élèves des écoles, à titre d'exercice ? Chaque traduction de l'histoire de Gilgamesh, basée sur les textes originaux, est donc un exploit, et chaque traducteur fait ses propres choix, qui aboutissent à des textes très différents. Je pense que la traduction de la version standard, par l'assyriologue néerlandais Herman Vanstiphout, et plus récent celui du Danois Sophus Helle, sont les plus réussies car elles restent très proche des originaux, complétées par des fragments plus anciens, et richement fournies d'explications supplémentaires via des notes des introductions et des essays d'accompagnement. Dans mon compte d'histoire sur Goodreads, j'approfondis les aspects substantiels et formels qui m'ont attiré dans cette histoire de Gilgamesh et dans ces traductions : https://www.goodreads.com/review/list/26055396.
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Ce mythe est à lire à plus d'un titre. Non seulement il confirme l'idée que les textes bibliques et coraniques n'ont rien d'une parole révélée divinement, mais il montre aussi que dès le IIe millénaire avant J.C., l'humanité (du moins une partie d'entre-elle) avait soif de poésie, de beauté et de pensée. Même si cette épopée n'égale pas des passages de la Bible ou des poèmes de Baudelaire, la forme du récit pousse à la vocalise, au chant, donc au plaisir des mots.
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Comme c'est beau !
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