AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


Kurt O'Reilly occupe un poste important dans un institut de statistiques à Londres. Depuis quelques mois, il semble bénéficier d'une chance troublante. Jour après jour, son quotidien déjoue les probabilités qu'il appréhende avec le plus grand sérieux, et la roue du destin tourne inéluctablement en sa faveur.

Une visite chez un ophtalmologue pour de minuscules taches dans l'oeil révèle le caractère absolument bénin de celles-ci. Dans quatre-vingt-seize pour cent des cas, ces taches sont pourtant associées à une tumeur maligne. le gérant du portefeuille de Kurt, étonné par les excellentes performances boursières de son client, décide, à dessein, d'effectuer des placements pour le moins hasardeux, qui par une étrange ironie du sort se révèlent extrêmement performants. Alors qu'il se montre peu assidu et profite d'une secrétaire épatante qui passe ses journées à couvrir ses absences, Kurt se voit attribuer une promotion aussi inattendue qu'imméritée. On l'a compris, la chance s'acharne sur notre héros d'origine méditerranéenne, parfaitement intégré à la métropole londonienne.

Cette accumulation d'évènements déjouant toutes les lois des probabilités ne laisse pas d'inquiéter le narrateur, dont la tournure d'esprit et le métier s'accommodent mal du caractère irrationnel de cette succession de manifestations d'une bonne étoile incompréhensible. Marié à une jeune auteure qui vient de rencontrer le succès, Kurt ne se satisfait pas de sa bonne fortune, bien au contraire. le voilà préoccupé, désireux de comprendre ce qui lui arrive, et décidé à agir. Il va donc consulter des thérapeutes aux pratiques surprenantes, des chamanes, des conseillers occultes afin d'appréhender l'étrange complot céleste qui semble présider, contre son gré, à sa destinée.

Dans un style fluide et soigné, le premier roman de Fabio Bacà s'apparente à une fable qui questionne notre rapport au risque, à la fatalité, ainsi que notre obsession du contrôle. C'est aussi un roman qui repose tout entier sur une idée : comment réagir lorsque les planètes s'alignent ? Faut-il s'en inquiéter ? Y-a-t-il un prix à payer en échange ? Une contrepartie à cette chance incongrue ?

Cette idée-force sur laquelle repose l'ouvrage fait toute son originalité, et permet à son auteur de dérouler un récit truculent et insolite, en plongeant son narrateur dans les affres de l'angoisse de celui qui réalise soudain qu'il ne mérite pas sa chance et qu'on ne défie pas impunément les lois des probabilités. Paradoxalement, elle constitue également la limite du roman : en abattant toutes ses cartes dès les premières pages, l'auteur quitte subrepticement le genre romanesque pour glisser vers une forme de conte philosophique qui examine notre société avec un regard mi-goguenard, mi-caustique.

« Karma. Mot signifiant action. Mais indiquant aussi - ce qui renforce ma méfiance pour les pièges sémantiques des langues orientales - les conséquences de l'action. Cela revient à dire que le mot pistolet aurait non seulement le sens que nous savons, mais qu'il signifierait aussi « orifice dentelé et sanglant dans la chair d'un individu que le destin a placé du côté dangereux d'une arme à feux ». »

Les déambulations enfiévrées et teintées de paranoïa de Kurt dans les méandres de la capitale anglaise évoquent étonnamment la fameuse phrase de Jean Cocteau : « Les Italiens sont des Français de bonne humeur ». Malgré le tourment, certes relatif, qui envahit son héros, le roman ne se prend jamais au sérieux, et est traversé par une forme de gaité ironique, qui permet à Fabio Bacà de railler les travers de ses contemporains en mêlant avec bonheur, une bonne humeur toute méditerranéenne avec un humour « so british ».
Commenter  J’apprécie          435



Ont apprécié cette critique (37)voir plus




{* *}