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Critique de Alterran


Les thèmes qui transparaissent habituellement chez Bacigalupi sont principalement sociétaux et environnementaux. La fille-flûte n'y déroge pas et l'immersion y est d'autant plus aisée que l'urgence environnementale n'a jamais été aussi prégnante (enfin, pas encore pour tout le monde visiblement…).

J'ai aimé l'approche de l'auteur sur ces sujets, il s'est inspiré de prémisses actuelles. On découvre ainsi, dans L'homme des calories, la main mise des sociétés commerciales sur les semences dans le monde et tout ce qu'on peut imaginer comme conséquences sur les paysans: utilisation exclusive de semences brevetées, expropriations, misères généralisées pour quiconque n'a pas les moyens d'acheter les graines modifiées… (parce qu'évidemment, il n'y a plus aucune graine “libre de droits”) Si vous pensez que c'est de la pure science – fiction je vous renvoie volontiers à ce qui se passe actuellement avec le coton en Inde.

L'auteur revient aussi souvent sur le problème de l'eau, sans doute une des plus grosses menaces à venir. On découvre des fleuves purement et simplement déviés et cruellement appropriés par les grandes villes dans le chasseur de Tamaris ou encore l'océan totalement souillé par les hydrocarbures et autres joyeusetés dont l'Humanité peut être fière, dans Peuple de sable et de poussière.
Une morale amorale

Il évoque également une moralité humaine à géométrie variable, inféodée à un capitalisme effréné en phase terminale: triomphe de quelques-uns au détriment du plus grand nombre sans espoir de changement. Ainsi, dans La fille-flûte, qui a donné son titre au recueil en français, on est témoin de transformations génétiques sans précédents où les corps ne sont plus considérés que comme des objets à valeur marchande que l'on tente d'embellir avec moult opérations, toutes plus douloureuses les unes que les autres pour ceux qui les subissent, afin d'espérer en dégager un revenu suffisant pour maintenir sa jeunesse (grâce à un onéreux traitement) et son pouvoir néo-féodal.

Et que dire de la nouvelle le groupe d'intervention où la société (son “élite”) du futur a, après avoir développé un traitement pouvant faire vivre jusqu'à 150 ans en bonne santé, simplement décidé l'élimination pure et simple des enfants (illégaux par nature!) afin de limiter la surpopulation…Car on le voit bien, cette course éperdue et actuelle vers l'éternelle jeunesse de nos sociétés, sous couvert de bonnes intentions, peut naturellement amener à des dérives, allant jusqu'à justifier le meurtre d'enfants pour assurer une longue et paisible vie, sans partage, aux quelques-uns déjà en place. D'ailleurs, c'est la nouvelle que j'ai à la fois préféré et celle qui m'a le plus déstabilisé, âmes sensibles s'abstenir!

Toutes les nouvelles ont en commun une évolution négative du progrès. J'ai trouvé que cette notion était, dans le Pasho, particulièrement bien évoquée. Cette nouvelle montre les dualités que le savoir draine par essence: À quoi sert-il? Acceptation ou repli? Pour la guerre ou pour le développement? Transmission ou restriction?, etc.

Un mot sur la plume de l'auteur: excellente. Les nouvelles sont bien amenées par le biais de personnages qui sont le plus souvent démunis face à leur réalité et qui tentent de survivre avec dignité. Je ne me suis pas particulièrement ennuyé sur aucune des nouvelles. Certes, certaines vous toucheront sans doute plus que d'autres, mais le niveau global est quand même vraiment bon. Il n'y a rien à jeter!
Lien : https://espaceduntemps.fr
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