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Critique de Melpomene125


L'amitié qui naît et se développe peu à peu entre Vivian Daly, quatre-vingt-onze ans, et Molly, dix-sept ans, est le thème principal de ce roman. J'ai beaucoup aimé ces deux personnages qui s'avèrent avoir beaucoup de points communs, contre toute attente, par-delà la différence d'âge et les apparences.

Molly et Vivian sont toutes les deux des orphelines et des descendantes de peuples qui ont souffert d'injustices.

Molly est une Penobscot, elle est une descendante des Indiens wabanaki. Les Penobscot habitaient le territoire qui est aujourd'hui l'État du Maine. Molly porte le prénom de « Molly Molasses, une célèbre Penobscot née l'année précédant la déclaration d'indépendance des États-Unis. »

« Molly Molasses avait vécu jusqu'à quatre-vingt-dix ans […] Non, ce n'était pas des « primitifs » comme l'attestait leur structure sociale, éminemment complexe. Bien qu'ils se fissent traiter de sauvages, même l'illustre général Philip Sheridan a dû admettre que « [les Blancs] ont pris leurs terres et se sont approprié leurs moyens de subsistance. C'est à cause de cela et en rébellion contre cet état de fait qu'ils nous ont déclaré la guerre. À quoi d'autre pouvait-on s'attendre ? » »

Tout au long de ma lecture, j'ai senti que Molly, en plus d'être orpheline, portait aussi en elle ce lourd héritage, cette colère, ce sentiment d'injustice et de spoliation.

Molly est en apparence une adolescente rebelle, condamnée pour vol à une peine de travaux d'intérêt général qu'elle effectue chez Vivian, mais elle est aussi une jeune fille passionnée, qui aime lire (elle a volé un livre Jane Eyre, héroïne à laquelle elle s'identifie) et qui a de solides convictions, du caractère : elle est végétarienne, s'intéresse à ses études lorsque son professeur M. Reed enseigne l'Histoire et la culture des Indiens d'Amérique. Il leur propose un devoir en lien avec ce sujet qui va captiver Molly et lui permettre de se rapprocher de Vivian en l'interviewant.

Vivian a dû, elle aussi, tout quitter après avoir tout perdu, comme les Indiens wabanaki. Elle est d'origine irlandaise et, d'après sa mère, les forces de la Couronne britannique, au moment de l'indépendance irlandaise, déterminées à écraser les rebelles, avaient fait sauter les lignes de train, "ce qui avait ruiné l'économie de la région." La famille de Vivian avait émigré aux États-Unis.

Devenue orpheline, Vivian a connu "le Train des orphelins" qui, entre 1854 et 1929, amenait les enfants seuls ou abandonnés dans le Minnesota ou le Kansas pour qu'ils trouvent une famille ou, à défaut de parents, un toit, de la nourriture, en échange de leur travail.

Le roman alterne les chapitres qui se déroulent en 2011 et ceux consacrés à l'enfance et la jeunesse de Vivian. D'une manière pudique, car elle a beaucoup souffert et a peur d'être submergée par des émotions qui l'empêcheraient d'être forte, de faire face, Vivian raconte à la première personne du singulier les moments marquants de sa vie.

Le récit de Vivian est poignant et, comme Molly, j'ai été émue en percevant ce qui se cachait sous la carapace de la vieille dame, qui ne s'appelait pas Vivian et a dû changer plusieurs fois de prénoms, en fonction des désirs des familles qui l'accueillaient.

« Molly sent son coeur se contracter, comme s'il était pris dans un étau. Que d'émotions cachées derrière ces quelques mots ».

En 1929, qui pouvait adopter Vivian, si ce n'est une riche famille en mal d'enfant. Ainsi, Vivian a eu enfin, après avoir connu une misère atroce, la sécurité matérielle. Mais comment être heureux, lorsqu'on porte en soi un si lourd passé ?

« J'ai quatre-vingt-onze ans et la quasi-totalité des personnes qui ont un jour fait partie de ma vie sont maintenant des fantômes », dit Vivian dès le début. Ce sera finalement Molly qui lui redonnera le goût de vivre.

Enfant, j'avais découvert l'histoire du train des orphelins grâce aux livres de Joan Lowery Nixon La Famille dispersée et La Famille réunie. C'est un sujet qui depuis m'intéresse et j'ai beaucoup aimé la manière dont l'évoque Christina Baker Kline en mettant l'accent sur l'amitié et la solidarité intergénérationnelle.

Je vous souhaite à tous un joyeux Noël! Une petite pensée pour ceux qui sont seuls, comme l'étaient Vivian et Molly avant que leurs routes ne se croisent.

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