Il s'agit là d'un roman historique d'une forme originale, composé en trois parties inégales, la dernière étant déconnectée de l'époque historique en question, puisqu'elle se déroule aux abords de la Révolution, en 1786. J'ai pris ce roman dans l'ordre chronologique de la Comédie Humaine, et j'y ai retrouvé avec plaisir des personnages que je connaissais bien, Charles IX, le Prince de Condé, ainsi que ceux qui formeront la trame de
la Reine Margot d'
Alexandre Dumas - de mémoire, Catherine de Médicis y avait une image plutôt négative, alors que
Balzac s'attache à la réhabiliter.
Je connaissais beaucoup moins Catherine de Médicis que les rois ou reines de la période qui a suivi, avec Henri IV,
Marguerite de Valois, Henri III, les Guise. J'ai appris que c'était une femme redoutable en politique, c'est-à-dire maîtresse en manipulations : elle semblait notamment experte à jouer des uns contre les autres et à organiser des réunions secrètes dans son château
De Blois ou au Louvre, surveillée comme elle l'était par les Guise. Dans la première partie, la plus longue, un jeune protestant doit aborder Catherine pour lui remettre les plans du Prince de Condé ; c'est un complot et il risque sa tête s'il est découvert. Il se dévoue toutefois et protège Catherine lorsque les documents sont découverts à quelques secondes près par
Marie Stuart, épouse du Roi François II, fils aîné de Catherine (une sacrée peste, nièce des Guise et elle-même catholique intransigeante). le jeune homme se tait, même sous la torture (bien décrite il faut le dire - merci
Balzac ! - mais il échappe à la mort et reverra Catherine et son fils, le nouveau roi Charles IX.
La seconde partie, fort intéressante, nous montre Charles IX découvrant la nature des travaux des frères Ruggieri : Laurent l'alchimiste et Cosme l'astrologue, qu'il a surpris et fait arrêter, et qu'il interroge secrètement avant de les relâcher. C'est par ce dialogue avec les deux Italiens que
Balzac démontre que Catherine n'est pas une empoisonneuse, et tente de justifier les décisions politiques qu'elle a prises, comme la Saint-Barthélémy.
Balzac étant royaliste, il est évident que pour lui Catherine a surtout tenté de sauver la royauté, et s'est seulement défendue pour maintenir la branche des Valois par ses fils, sur le trône. Or, selon la légende entretenue par
Balzac, la brièveté des règnes de ses trois fils avait été prévue par l'astrologue, sur qui elle se reposait énormément.
Balzac en profite également pour faire une longue présentation de l'alchimie, et de l'existence d'une confrérie secrète qui poursuivrait l'entreprise de la recherche de l'immortalité, le Grand Oeuvre, malgré la destruction des Templiers.
La troisième partie présente deux rêves, qui sont en fait des allégories de la fin de l'Ancien Régime et de la Révolution à venir, et qui mettent en scène
Robespierre et Marat. Pour
Balzac, l'esprit d'examen, le doute, découlent directement de la religion réformée ou calviniste, et tendent à mettre à bas la royauté. C'est donc un roman politique autant qu'historique. À mon avis, il vaut mieux garder cela en tête en lisant le roman, et si possible être familier.ère
De Balzac, de ses théories et de son style, car la lecture n'est pas facile, l'intrigue progresse lentement, cela pourrait décourager plus d'un lecteur ou lectrice. Et pourtant, comment dire ? C'est
Balzac : il peut tout oser, son texte prend une telle ampleur et ses développements sont tellement ingénieux, son intelligence tellement brillante, que cela force l'admiration et stimule la réflexion.