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Critique de motspourmots


"Car on avait beau s'agiter, tout finissait par retomber à la fin, par précipiter. Rien, non rien ne pouvait rester éternellement en suspension".

Rassurez-vous, nul besoin de vous replonger dans vos cours de chimie pour apprécier ce premier roman à la construction subtile et au propos vraiment très actuel. Je l'ai littéralement dévoré, à la fois happée par l'intrigue et surtout impressionnée par la tenue de l'ensemble. Et c'est donc celui-ci que j'ai choisi pour le coup d'envoi de la saison côté premiers romans. En espérant qu'il ne restera pas en suspension sur les tables des librairies mais volera vers de nombreux lecteurs séduits comme moi par cette autopsie d'un couple soumis à des forces pas toujours contrôlées.

Lorsque nous faisons la connaissance de Thomas Masson, il est allongé dans une chambre d'hôpital, veillé par sa femme, Olivia. Une violente crise d'asthme non diagnostiquée l'a plongé dans le coma, en état d'insuffisance respiratoire. Ironie du sort, Thomas dirige une PMI qui fabrique des embouts plastiques pour un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans les inhalateurs pour asthmatiques... Dans une région de l'ouest de la France transformée au fil des ans en désert industriel, Thomas a racheté cette entreprise quelques années auparavant, sauvé les 37 emplois menacés par la fermeture envisagée. Depuis, il joue son rôle de petit patron, oscillant entre paternalisme et soucis de rentabilité face aux contraintes économiques de plus en plus fortes.

Avec cet accident, le temps est soudain suspendu. Près de lui, Olivia, artiste peintre sans réelle surface s'interroge sur leur vie, leur relation, leur famille. Et tandis que le lecteur se voit proposer de remonter le temps, quelques jours en arrière pour tenter de comprendre ce qui a pu se passer, l'alternance entre présent et passé dessine peu à peu le portrait d'un petit patron amoureux des machines mais soumis à une pression permanente, et celui d'un couple construit sur des failles. Entièrement dévoué à son entreprise, Thomas délaisse sa femme et ses enfants sans vraiment s'en rendre compte. Dans sa bataille permanente pour maintenir à flots une entreprise dangereusement dépendante d'un seul gros client, son implication très personnelle l'expose à des chocs bien trop violents et à un manque de clairvoyance qui pourraient lui être fatals.

Ce roman est une belle déclaration d'amour aux petites industries, dernières étincelles de vie dans certaines régions et à leurs dirigeants, derniers héros des temps modernes. Il nous plonge dans les conséquences bien réelles de la violence de l'environnement économique et nous propose d'explorer les faces cachées de chacun de ceux dont on ne connaît qu'un seul rôle (patron, épouse, collaborateur, ami...) mais qui sont tous des individus constitués de plusieurs facettes. Il pose la question de ce que l'on doit aux autres, de la difficulté de trouver sa propre vérité et la juste distance face aux pressions et influences extérieures. Il explore également cette curiosité chimique qu'est le couple, constitué de deux éléments qui a priori ne se mélangent pas, faits de culpabilité, de drames et de deuils de l'enfance. Pour Olivia, ce couple est un refuge dont elle est devenue prisonnière et cette épreuve, une opportunité de s'assumer et de se réaliser peut-être enfin... "Plus tard, quand elle repenserait à ce moment, elle comprendrait. C'était l'instant où elle s'était choisie elle-même".

Et si la vie était une question d'alchimies ? Vanessa Bamberger nous offre ici une démonstration aussi originale que convaincante, ainsi que quelques clés de compréhension pour agir dans un environnement hostile. Que l'on soit un Thomas ou une Olivia, l'empathie est forte vis à vis de ces êtres qui tentent d'y voir clair et d'oeuvrer au mieux. Faites-donc un petit tour en leur compagnie, vous ne le regretterez pas
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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