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Critique de glegat


glegat
08 septembre 2022
Aurélien Barrau qui avait pris ces derniers mois quelques distances avec les médias reprend son bâton de pèlerin pour nous transmettre avec la force de persuasion qui le caractérise sa vision du monde et ses craintes pour l'avenir. Aurélien Barrau est à la fois astrophysicien, philosophe et poète ; il cumule des compétences extrêmement pointues dans plusieurs domaines et se présente également non pas comme un expert, mais comme un militant de la cause écologique. le terme écologie est d'ailleurs un peu réducteur, car sa vision englobe l'ensemble des défis auxquels la planète et l'humanité doivent faire face d'où le titre de son opuscule “Il faut une révolution, politique, poétique et philosophique". Il vient également de publier chez Dunod ‘Anomalies cosmiques' dont nous aurons l'occasion de parler prochainement.

Dans ce petit livre de 32 pages publié aux éditions Zulma, Aurélien Barrau répond aux questions de Carole Guilbaud qui l'interroge sur l'actualité en rapport avec la catastrophe écologique et sociale qui s'annonce. C'est l'occasion pour lui de synthétiser et de préciser sa pensée.
On y retrouve toute l'éloquence à laquelle il nous a habitués depuis déjà quelques années. Sa pensée est claire, son vocabulaire choisi, ses arguments étayés et ses convictions sont fermes. Face aux problèmes que rencontre l'humanité aujourd'hui : le changement climatique, la pollution, le danger nucléaire et l'extinction massive de la biodiversité il prône la nécessité d'une révolution sous la forme d'un changement ‘axiologique' c'est-à-dire un changement radical des valeurs et des priorités. Tant que l'on appellera croissance le fait de raser un espace naturel pour y construire un centre commercial et tant que l'on appellera progrès le développement de la 5 g qui pour lui est une catastrophe, on prendra la mauvaise direction. Il s'agit de refondre les valeurs et les symboles. Mais Aurélien Barrau n'est pas un révolutionnaire au sens de 1789, il connaît les dangers qui peuvent résulter d'un changement agressif de la société. Il n'est pas non plus un farouche défenseur de la décroissance, d'après lui il ne faut pas renoncer à la croissance, il faut la redéfinir.

"Je pense sincèrement qu'il y a quelque chose de profondément débile à nommer croissance une éradication systématique la vie sur Terre. La croissance vraie ne pose aucun problème : l'amour, la créativité, l'entraide, la connaissance, les explorations artistiques et scientifiques peuvent évidemment croître. Elles le doivent ! Mais la production délirante d'objets inutiles, devenue une fin et non plus un moyen, doit être nommée pour ce qu'elle est : une maladie. S'il faut la nommer croissance, alors voyons-la comme une croissance tumorale." Page 9.

Certains pensent qu'Aurélien Barrau est une sorte de prophète illuminé qui nous prédit que le ciel va nous tomber sur la tête et que d'une certaine façon l'avenir qu'il annonce pour la planète est tellement catastrophique qu'il exagère forcément. En réalité les faits lui donnent raison, mais il a toujours un temps d'avance par rapport à l'opinion générale qui commence à se rendre compte que quelque chose ne va pas. Pour lui le climat n'est qu'un petit aspect du problème. Même sans le moindre degré d'élévation de température nous demeurerions dans la sixième extinction massive de la vie sur Terre. "Sauver le climat" sans revoir totalement nos valeurs et notre manière d'habiter l'espace n'aurait aucun intérêt.
Il évoque aussi un point important qui est celui de la langue : "Le mot environnement suppose un décor, un arrière-plan dont nous sommes le centre, la formule développement durable conforte l'idée du maintien de l'existant, l'expression catastrophe naturelle induit l'idée d'une nature responsable alors que la main de l'homme est rarement étrangère à la catastrophe. Si la langue participe de l'invisibilité des problèmes, la recherche de la justesse ne doit-elle pas être une exigence première telle que la conçoit Albert Camus dont il cite un fameux extrait de son article sur la philosophie de l'expression "mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde ».

Je suis d'accord avec Aurélien Barrau sur la nécessité de réfléchir sur le langage. Nos hommes politiques nous abreuve de formules creuses qui nous détourne des vrais problèmes, ils donnent un sens différent aux mots et usent d'une rhétorique trompeuse pour faire valoir leur camp face aux batailles électorales, et ceci au détriment de la vérité. Récemment le président de la République parle de profiteurs de guerre sans proposer quoi que ce soit pour remédier à ce scandale et quand, sous la pression de l'opinion et sur l'initiative de l'Allemagne on commence à parler de taxe sur les superprofits notre ministre de l'économie prétend ne pas savoir ce que sont les ‘Super profits'. le président réagit finalement en parlant non pas de ‘taxe' mot tabou, mais d'une ‘contribution' qui serait finalement envisageable. Les exemples pourraient être multipliés, ils sont quotidiens. Si l'ont veut se comprendre il faut employer le même vocabulaire et préciser le sens des mots que l'on utilise.
Il est vrai que le discours d'Aurélien Barrau a quelque chose de déprimant, car les solutions proposées semblent insuffisantes pour éradiquer toutes les menaces qui pèsent sur le monde aujourd'hui. Pour lui il y a trois avenirs possibles :

– La continuation du scénario en cours
– Une réforme substantielle
– Une révolution
Pour Aurélien Barrau le cas 1 est malheureusement le plus probable, le scénario 2 repose sur l'espoir dépourvu de fondement qu'un infléchissement doux des valeurs et des comportements permettrait d'éviter une instabilité globale. Il ne reste donc que la voie de la révolution, mais celle-ci ne doit pas se terminer dans un bain de sang, il doit s'agir d'une révolution politique, poétique et philosophique. Commençons par changer chacun notre mode de pensée et répondons à l'exhortation d'Aurélien Barrau qui chez lui revient comme une antienne : soyons clairs, soyons honnêtes, soyons sérieux !

– ‘Il faut une révolution politique, poétique et philosophique' Aurélien Barrau, Éditions Zulma (2022) 32 pages.
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