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Critique de Pecosa


La Retirada est une retraite, celle d'un demi-million de républicains espagnols qui franchirent la frontière française à partir du 27 janvier 1939 jusqu'au mois de février, lors de la chute de Barcelone. La France, dépassée par ce flux incessant de réfugiés, les parque dans des camps de concentration disséminés un peu partout dans le sud de l'Hexagone. Albert Sarraut alors ministre de l'Intérieur, n'en veut pas: "C'est bien simple, les femmes et les enfants, on les reçoit; les blessés, on les soigne; les valides, on les renvoie."
Parmi ces réfugiés hagards se trouve le dessinateur catalan, Josep Bartoli (Barcelone, 1910- New-York, 1995). Artiste "rouge" fondateur du Syndicat des dessinateurs (UGT) et militant du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste), il s'est battu sur le front d'Aragon et se retrouve interné au camp de concentration de Barcarès, près de Perpignan, où il attrape le typhus. Il s'en évade, est repris et emprisonné au camp de Bram (Castelnaudary). S'échappant une nouvelle fois, il gagne Paris où il travaille aux Folies Bergères et au Moulin Rouge. Recherché puis arrêté par la Gestapo, il parvient à s'enfuir avant sa déportation à Dachau et suite à un long périple, gagne enfin le Mexique. Proche du couple Rivera-Kahlo, il s'installe à New-York en 1946, où il publie son livre Campos de concentracion. 1939-1940, comparé par la critique aux Désastres de la guerre de Fransisco Goya.
Il collaborera ensuite à différentes revues américaines, travaillera à Holywood en tant que scénographe et réalisera des illustrations pour le Club français du livre.
La Retirada, paru chez Actes Sud BD est un curieux ouvrage qui a pour mérite premier de sortir de l'oubli les magnifiques dessins de Josep Bartoli sur la guerre civile espagnole et les camps de la honte, Bram et Barcarès. En annotant et commentant le travail de son oncle ("Dessins de guerre", "Cahier des Camps"), Georges Bartoli qui collabore à la publication, inscrit le travail de Josef dans un champ plus large, la création artistique devenant un témoignage de l'indicible certes, mais aussi une oeuvre de résistance à l'oppression, à la folie et à l'isolement. Il s'attarde d'ailleurs sur le "partage des savoirs" dans les camps de concentration français (appelé par le Bulletin des étudiants du camp d'Argelès "propagation de la culture") On y apprend que le tristement célèbre camp d'Argelès-sur-Mer possédait un Salon des Beaux-Arts!
S'y ajoute un travail sur la mémoire et la transmission. Georges Bartoli, fils de républicains, a connu le passé de ses parents avant de connaître le parcours et le travail de son oncle: "Je connaissais la guerre d'Espagne avant de naître! Ma mémoire est définitivement coupée en deux. Je me suis tellement identifié à l'histoire de mes parents que cette guerre d'Espagne fut aussi la mienne." Il part pour nous sur les chemins de la Retirada, appareil photo en bandoulière et stylo à la main (très belles photos, dans le chapitre intitulé "Le Raid de la mémoire") et s'interroge sur l'héritage de l'exil. le chapitre "Les Enfants de la Retirada et de la Republique" qui clôt le livre est le récit de la marche commémorative de février 2008 qui réunit républicains et descendants d'exilés jusqu'au petit cimetière des Espagnols d'Argelès-sur-Mer. La Retirada se termine sur le souvenir de Elisabeth Eidenbenz, l'infirmière suisse décédée en 2011, connue sous le nom de "l'Ange de Elne" qui monta une maternité pour les femmes espagnoles et juives qu'elle fit sortir des camps.

Josep Bartoli a fait don de certains de ses dessins à la ville de Barcelone en 1989. On peut les voir aux Archives historiques de la ville.
Pour compléter cette lecture, on peut également consulter:
La Retirada dans l'objectif. L'Exili dins la mirada, de Manuel Moros
Ecrits d'exil. Barraca et Desde el Rosellon. Album d'Art et de littérature. Argelès-sur-Mer 1939.
Tristan Castanier i Palau, Femmes en exil, mères des camps, Elisabeth Eidenbenz et la maternité suisse de Elne (1939-1944).
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