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Critique de enjie77


Dès les premières pages, le lecteur ressent l'atmosphère proustienne de ce roman à la fois fiction littéraire mais aussi faite des réminiscences du passé. L'écriture de Georgio Bassani est feutrée, intimiste, finement ciselée de mots choisis, de descriptions liées au paysage comme à l'analys psychologique des personnages. Une écriture de la mémoire à la manière de Marcel Proust ou Ivan Bounine, cette nécessité de coucher sur le papier et d'arrêter le temps par le truchement de la littérature. Michel Arnaud nous offre une très belle traduction de ce roman. J'ai été particulièrement sensible à l'écriture et à l'ambiance du roman. Lorsque j'ai refermé le livre, je me suis sentie orpheline, c'est une sensation que je n'ai pas ressentie depuis fort longtemps. Et puis, il y a la magie de Ferrare que j'ai essayé de me représenter en voguant sur internet. Ce sera pour une prochaine visite, Bassani ne me quittera pas.

Le livre s'ouvre sur la visite de la nécropole étrusque de Cerveteri à une cinquantaine de kilomètres de Rome. La réflexion d'une enfant sur ces tombes va susciter chez le narrateur, Georgio, des souvenirs de sa jeunesse à FERRARE, du cimetière juif où il revoit la tombe hideuse mais monumentale des FINZI-CONTINI, significative de l'importance de la famille.

A cet instant, le fil de la mémoire déroule sous la plume de Georgio les souvenirs de cette période marquée par les lois raciales qui viennent d'être promulguées en Italie. Les FINZI-CONTINI sont de grands propriétaires terriens, issus de la branche de Moisé FINZI CONTINI qui a fait fortune. Quant à Georgio, il fait aussi partie de la communauté juive de Ferrare mais il est issu de la classe moyenne cultivée, les deux familles ne se rencontrent qu'à la synagogue.

Tous ces jeunes gens sont amateurs de tennis et font partie du club de Ferrare. C'est à la suite de la promulgation des lois raciales qu'ils vont se voir exclus du club. Cette ségrégation va donner l'idée à Micol FINZI-CONTINI, la fille du professeur Ermanno et de la signora Olga, d'inviter ces fervents du tennis dans ce magnifique jardin aux essences multiples et variées.
Cette belle propriété de plusieurs hectares entoure la « magna domus », sorte de manoir gothique et qui possède un court de tennis qui ne demande qu'à les accueillir.

De partie de tennis en partie de tennis, d'appel téléphonique en appel téléphonique, Georgio va tomber amoureux de la belle Micol mais hélas, sans espoir de retour.

Ce qui m'a fascinée dans cette fiction littéraire c'est d'imaginer ces jeunes gens jouer au tennis, de les voir vivre, s'amuser, discuter études, politique, flirther, réciter des vers, parler littérature, comme si à l'intérieur de l'enceinte du jardin, rien ne pouvait les atteindre. Bassani fait bien ressentir à son lecteur cet espace ouaté, où le funeste ne pénètre pas ou peu et où cet été là est un été idyllique.

Le chaos règne à l'extérieur et la tragédie n'est pas loin, mais, hormis une réflexion de temps à autre sur les injustices, les humiliations qui rendent la vie de cette communauté difficile à cette période, rien ne vient troubler le calme de la « magna domus ».
Parfois, le lecteur ressent l'angoisse de l'éphémère affleurer. Cette révolte, je l'ai ressentie chez Georgio lorsque celui-ci se fait exclure de la bibliothèque municipale et que le professeur Ermanno lui ouvre la sienne afin qu'il puisse préparer son diplôme. Mais cette discrimination ne s'arrête pas et elle allège le groupe qui se retrouve à quatre joueurs.

Sinon, rien ne vient troubler la « magna domus » et son jardin : c'est un peu à l'image d' un espace sacré, le jardin d'Eden avant la chute. le temps s'écoule et Georgio prend conscience petit à petit que son amour est sans issu mais ses maladresses et son insistance auprès de Micol finira par lasser cette dernière. L'amoureux excessif se verra exclu du Paradis. La chute sera pour lui mais aussi pour le monde qui l'entoure.

« Micol répétait continuellement également à Malnate que son avenir démocratique et social la laissait totalement indifférente, qu'elle abhorrait l'avenir en soi, lui préférant de beaucoup « le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui » et plus encore le passé, le cher, le doux, le charitable passé,
Et comme ce n'était là, je le sais, que des mots, les habituels mots trompeurs et désespérés que seul un véritable baiser eût pu l'empêcher proférer, que justement de ces mots et non d'autres soit scellé ici le peu de chose que le coeur a été capable de se rappeler. »


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