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Critique de Colchik


Diyarbakır, ville du sud-est de la Turquie, épicentre de la répression des forces de sécurité gouvernementales après les affrontements qui ont opposé de jeunes kurdes du mouvement marxiste révolutionnaire aux unités de protection civile. La partie la plus ancienne de la ville, Sur, située à l'intérieur des remparts, a été le théâtre de violents affrontements qui ont fait de nombreuses victimes dans la population. Là, au pied des remparts, deux femmes engagent un dialogue, l'une kurde et l'autre turque, venue de l'ouest pour manifester pacifiquement son opposition à la répression. La discussion est âpre, difficile. L'une reproche à l'autre ses atermoiements, ses postures de pacifiste, sa bonne volonté compassionnelle. Que fait-elle devant la vieille ville dévastée si ce n'est essayer encore et encore de départager les responsabilités entre combattants d'une juste cause et militaires à la solde de l'oppresseur ? Que peut-elle comprendre des aspirations à la liberté d'une population abandonnée à la violence ? Malmenée dans sa tentative d'honnêteté intellectuelle, l'autre est contrainte peu à peu d'abandonner sa posture de militante de gauche, pacifiste. Elle en vient à s'interroger sur sa vision du conflit qui est forcément construite – au sens sociologique du terme – par le discours nationaliste de l'État républicain depuis sa fondation kémaliste. Mais elle en vient aussi à s'interroger sur son militantisme dans une Turquie qui a fait disparaître bon nombre de ses opposants sous la torture et en prison. le « virus de la bonne conscience » que produit-il sinon de la culpabilité, de la douleur et de l'impuissance ?

Formidable dialogue où nous entraîne Oya Baydar dont la force repose sur la sincérité du ton et l'humanité du propos. Deux voix qui essaient d'échanger malgré le rempart de la guerre qui se dresse entre elles et les espoirs déçus de part et d'autre. Il n'y a pas de réconciliation parce qu'il n'y a pas de fraternité dans le creuset d'un combat qui les sépare irrémédiablement. Et pourtant, chacune y a gagné quelque chose, de rêver un monde qui ne sera plus gouverné par la haine et la colère. le livre se referme sur une magnifique et poignante ode à l'amitié dans ce qu'elle a de plus difficile : accepter de se perdre pour se trouver dans l'autre.
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