Laissez-moi seule : Let me Alone

Accident, assassinat, suicide? C'est sous le pont de l'Alma, en sortant du Ritz où elle aurait pu rester dormir, que Lady Diana Spencer trouva la mort. Dans la première scène de l'étonnante pièce de Bruno Bayen, la moitié supérieure de son corps est confiée, avec force précautions et suspicions (ne serait-elle pas «enceinte d'un Oriental»?), à deux frères embaumeurs conviés, pour son «premier lifting», à effacer le choc, la putréfaction», à «redonner une expression de paix» à celle qui a perdu une boucle d'oreille «comme si elle quittait la vie en boitant de l'oreille». Il y a du Shakespeare, pas moins, dans cette pièce tragique et grotesque, nourrie d'intrigues et de ragots de palais. Premier flash back : le lecteur retrouve «Duch», petite, dans un pensionnat suisse, «sur le continent», où elle rêve déjà d'épouser le prince, s'y prépare, «parce qu'il deviendra roi, et parce que si j'épouse le roi il ne pourra pas divorcer de moi puisqu'il sera roi.» Hélas, il y a quelque chose de pourri au royaume que Duch-Diana va découvrir après son mariage, il y a Girl Friday, «athée sexuelle intérimaire», maîtresse du prince Arthur, «tiercelet» aux oreilles en chou-fleur, et tout ce beau monde sous écoutes, contraint de parler un improbable latin macaronique pour tromper les préposés aux micros. Les moeurs de la Couronne ne seraient donc pas plus exemplaires que les roturières, et les vaudevilles s'y joueraient comme dans la vraie vie? Aussi, celui-là tournera-t-il court — accident, assassinat, suicide? —, et sautera «l'obstacle du chapitre Et la princesse vieillit»…
La pièce a été créée le 2 juin 2009 au Théâtre de la Colline, à Paris, dans une mise en scène de l'auteur.

Critique parue dans "Encres de Loire" n° 51 page 21, printemps 2010
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