AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Laureneb


Je n'ai pas regardé exactement quand et dans quel contexte Colette Beaune avait écrit cet ouvrage - je n'ai donc pas fait oeuvre d'historienne, mais j'ai senti à la lecture qu'elle écrit en réaction à un autre ouvrage ou à des personnes qu'elle ne nomme pas mais qu'elle appelle les "mythographes". Ce sont sans doute les "historiens médiatiques", ceux qui parlent d'histoire dans les médias sans en avoir la formation, les diplômes, et, surtout, les méthodes de recherche.
Même si les faits sont traités de manière chronologique, ce n'est pas une biographie de Jeanne d'Arc. L'oeuvre ne convient pas pour une première approche. Colette Beaune travaille plutôt sur l'opposition entre histoire et mémoire, faits et mythes, vérité et interprétations - et donc finalement sur une opposition entre objectivité et subjectivité.
C'est donc surtout un ouvrage sur la façon de faire de l'histoire, sur la façon d'écrire l'histoire. Qu'est-ce donc que le travail de l'historien ? Comment fait-on l'histoire ? Colette Beaune l'explique, en glissant quelques piques, voire des tacles appuyés, aux "mythographes".
Faire de l'histoire, c'est d'abord lire des sources. Cela implique souvent au Moyen-Âge de lire le latin, de savoir calculer les années en convertissant les calendriers, de s'interroger sur la provenance des sources, et donc de les croiser. Choses que ne font pas les "mythographes", ne prenant pas en compte la différence entre un texte écrit par un Bourguignon, un Armagnac, un Anglais... entre un témoin oculaire ou quelqu'un rapportant une rumeur, ou qui mettent sur le même plan une source contemporaine de Jeanne à un texte écrit au XIX ème siècle par un sous-préfet de province aux prétentions littéraires...
Surtout, Colette Beaune reproche aux mythographes de ne rien contextualiser, car ne connaissant pas assez l'état d'esprit, les références culturelles, les façons de pensées des hommes et femmes du Moyen-Âge. Par exemple, quand un texte Armagnac parle de "bergère", cela ne signifie pas forcément que Jeanne gardait des moutons, mais c'est une parabole religieuse. Petit à petit, Colette Beaune démonte donc les hypothèses des mythographes - présentées par eux comme des faits, en prouvant qu'ils ne s'appuient pas sur des sources fiables.
Cependant, elle montre que ces mythographes nous renseignent plus sur leur époque que sur le Moyen-Âge, car ils appliquent leur propre mode de pensée, leurs propres conceptions, sur le XV ème siècle. Ainsi, les fait sur Jeanne sont interprétés de façon religieuse pour prouver que c'est une sainte, de façon anticléricale au XIX ème siècle pour montrer qu'elle a été manipulée par l'Eglise, de façon nationaliste pour en faire une héroïne patriotique, de façon féministe pour la représenter comme une femme libre, voire comme une des premières figures lesbiennes...
Finalement, ceux qui réécrivent selon leurs propres interprétations l'histoire de Jeanne sont ceux qui ne supportent pas une femme qui s'écarte des normes établies et du rôle assigné à son sexe : une femme qui combat, qui prend le contrôle sur sa sexualité, sur ses vêtements, qui parle politique en public... Au Moyen-Âge, au XIX ème siècle ou aujourd'hui, une femme libre est toujours critiquée.
Pas une biographie historique donc, mais un livre sur l'histoire avec des remarques ironiques assez savoureuses.
Commenter  J’apprécie          71



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}