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EAN : 9782262029517
240 pages
Perrin (02/10/2008)
3.76/5   53 notes
Résumé :
Jeanne, la petite bergère de Domrémy... Une putain doublée d'une sorcière... Fille cachée du roi, elle ne serait pas morte sur le bûcher à Rouen en 1431...

La médiéviste Colette Beaune est en colère ! Peut-on laisser tout écrire au prétexte que la " grande " histoire serait parfois trop complexe, ou pas assez " folklorique " ? Dans un livre court, incisif, et avec beaucoup d'humour, l'historienne bat en brèche les nombreuses légendes qui circulent en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Je n'ai pas regardé exactement quand et dans quel contexte Colette Beaune avait écrit cet ouvrage - je n'ai donc pas fait oeuvre d'historienne, mais j'ai senti à la lecture qu'elle écrit en réaction à un autre ouvrage ou à des personnes qu'elle ne nomme pas mais qu'elle appelle les "mythographes". Ce sont sans doute les "historiens médiatiques", ceux qui parlent d'histoire dans les médias sans en avoir la formation, les diplômes, et, surtout, les méthodes de recherche.
Même si les faits sont traités de manière chronologique, ce n'est pas une biographie de Jeanne d'Arc. L'oeuvre ne convient pas pour une première approche. Colette Beaune travaille plutôt sur l'opposition entre histoire et mémoire, faits et mythes, vérité et interprétations - et donc finalement sur une opposition entre objectivité et subjectivité.
C'est donc surtout un ouvrage sur la façon de faire de l'histoire, sur la façon d'écrire l'histoire. Qu'est-ce donc que le travail de l'historien ? Comment fait-on l'histoire ? Colette Beaune l'explique, en glissant quelques piques, voire des tacles appuyés, aux "mythographes".
Faire de l'histoire, c'est d'abord lire des sources. Cela implique souvent au Moyen-Âge de lire le latin, de savoir calculer les années en convertissant les calendriers, de s'interroger sur la provenance des sources, et donc de les croiser. Choses que ne font pas les "mythographes", ne prenant pas en compte la différence entre un texte écrit par un Bourguignon, un Armagnac, un Anglais... entre un témoin oculaire ou quelqu'un rapportant une rumeur, ou qui mettent sur le même plan une source contemporaine de Jeanne à un texte écrit au XIX ème siècle par un sous-préfet de province aux prétentions littéraires...
Surtout, Colette Beaune reproche aux mythographes de ne rien contextualiser, car ne connaissant pas assez l'état d'esprit, les références culturelles, les façons de pensées des hommes et femmes du Moyen-Âge. Par exemple, quand un texte Armagnac parle de "bergère", cela ne signifie pas forcément que Jeanne gardait des moutons, mais c'est une parabole religieuse. Petit à petit, Colette Beaune démonte donc les hypothèses des mythographes - présentées par eux comme des faits, en prouvant qu'ils ne s'appuient pas sur des sources fiables.
Cependant, elle montre que ces mythographes nous renseignent plus sur leur époque que sur le Moyen-Âge, car ils appliquent leur propre mode de pensée, leurs propres conceptions, sur le XV ème siècle. Ainsi, les fait sur Jeanne sont interprétés de façon religieuse pour prouver que c'est une sainte, de façon anticléricale au XIX ème siècle pour montrer qu'elle a été manipulée par l'Eglise, de façon nationaliste pour en faire une héroïne patriotique, de façon féministe pour la représenter comme une femme libre, voire comme une des premières figures lesbiennes...
Finalement, ceux qui réécrivent selon leurs propres interprétations l'histoire de Jeanne sont ceux qui ne supportent pas une femme qui s'écarte des normes établies et du rôle assigné à son sexe : une femme qui combat, qui prend le contrôle sur sa sexualité, sur ses vêtements, qui parle politique en public... Au Moyen-Âge, au XIX ème siècle ou aujourd'hui, une femme libre est toujours critiquée.
Pas une biographie historique donc, mais un livre sur l'histoire avec des remarques ironiques assez savoureuses.
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Écrit par une médiéviste, spécialiste reconnue de Jeanne d'Arc, ce livre est né d'un mouvement d'humeur suite à la publication d'un ouvrage à sensation sur la Pucelle d'Orléans. Le but avoué de Colette Beaune est ici de tordre le cou à un certain nombre d'idées reçues, voire de bobards, qui courent sur Jeanne.
Il est vrai que de son vivant, déjà, Jeanne est un mythe, dont les objets et vêtements sont considérés comme sacrés. Très vite, des légendes courent sur son compte : les Armagnacs, partisans du roi, la disent bergère, ce qui est une manière de la relier à des figures positives comme Abel ou les bergers de la nativité. On la présente aussi comme une prophétesse, dont elle aurait les principaux attributs : sa venue a été annoncée, elle est vierge, entend des voix, porte des signes de prédestination sur le corps (une tache rouge derrière l’oreille) et sait prédire l’avenir. Tout cela, en plus de son martyre quasi christique, la désigne très tôt comme une sainte, même si sa canonisation n’intervient pas avant 1920.
A l’opposé, ses adversaires (les Bourguignons), la dépeignent sous les traits d’une vachère ou d’une servante, c’est-à-dire de la catégorie sociale la plus méprisable, mais aussi d’une sorcière ou encore d’une putain : ces accusations permettront de la faire condamner en 1431.
Avec le temps, d’autres fables courront sur son compte : on dira d’elle qu’elle était un page déguisé en femme ; on en fera une demi-sœur de Charles VII (d’où la facilité avec laquelle celui-ci accepta de la recevoir, à Chinon) ; on prétendra que ce n’est pas elle mais une autre condamnée qui a été brûlée vive à Rouen ; quant à ses fameuses voix, on les attribuera à l’hystérie, à la schizophrénie, voire à un lien incestueux au père. Avec l’avènement de la 3è République, au 19è siècle, Jeanne d’Arc devient la vedette des manuels scolaires illustrés : sa naissance paysanne, son statut de petite bergère, font d’elle une icône parfaite pour incarner une nation essentiellement rurale ; en outre, elle est née en Lorraine, province conquise par les Prussiens en 1870 : rien d’étonnant donc à ce qu’elle devienne le symbole d’une certaine France revancharde. De là à faire de Jeanne, héroïne de la lutte contre l’envahisseur étranger, une lointaine inspiratrice de la formule « La France aux Français », il n’y a qu’un pas, que l’extrême-droite ne tardera pas à franchir, donnant ainsi une lecture ultra nationaliste et xénophobe de ce destin hors du commun.
En conclusion, "Jeanne d'Arc, vérités et légendes" est un livre passionnant, même pour un non spécialiste comme moi. Écrit simplement et de façon didactique, il resitue dans la durée un certain nombre de débats d'actualité.
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Depuis que je suis gamin, c'est fou le nombre de racontars que j'ai pu entendre à propos de la Pucelle…! L'explication est aisée, mes grands-parents paternels avaient une boutique rue de Bourgogne à Orléans, là où passe chaque année la fête de Jeanne d'Arc, considérée comme la libératrice de la ville depuis le 29 avril 1429. Par ailleurs Patay, Blois, Jargeau, Beaugency, Sully-sur-Loire et son quai des mariniers, Gien et bien d'autres villes où elle se rendit sont également liées à mon enfance.

Certaines histoires colportées sont dignes des meilleurs chapitres de certains romans d'heroic fantasy… Il manque juste le gag du passage d'une soucoupe volante lors de la crémation de Jeanne à Rouen comme dans la vie de Bryan pour que ce soit complet…! J'ai pu lire ou entendre d'autres hypothèses amusantes comme celle d'une possible ascendance royale ou encore de belles légendes sur sa vie de mère de famille… après son exécution rouennaise… Mais aussi une très belle histoire qui parle de l'amour impossible que lui portait Gilles de Rais, exécuté à Nantes en 1440, dont la propre vie donna naissance à la légende de Barbe-Bleue…

Bref, Jeanne d'Arc est devenue depuis longtemps un personnage phare de l'histoire de France et l'objet de toutes les récupérations possibles dont une tentative par le Cardinal de Richelieu lui-même…

Ce livre de Colette Beaune a ceci de captivant qu'il remet de l'ordre dans un fatras de fables et contre-vérités, et cela non sans humour (!!), tant il existe d'hypothèses qui ne tiennent pas à la lumière des faits historiques… Bref, un texte érudit, polémique et drôle pour en finir avec ceux qui racontent n'importe quoi ! C'est aussi un chouette coup de gueule d'une historienne du Moyen Age, professeur émérite à l'université de Paris X, spécialiste de Jeanne d'Arc dont les travaux se retrouvèrent réfutés et instrumentalisés dans une émission de télévision…!

En résumé, l'auteur a rédigé ce livre après avoir découvert comment ses interventions et celles d'autres collègues universitaires ont été "utilisées", découpées, montées dans une émission de télévision diffusée en mai 2008 pour donner le beau rôle à une hypothèse particulièrement délirante, une nouvelle vérité (sic…!) qui aurait échappée à tous les historiens depuis plus de 500 ans. Tout le monde connaît la force du rouleau compresseur de l'image télévisuelle et Colette Beaune l'explique en début d'ouvrage…!

Du coup, elle a analysé les textes de ces nouveaux mythographes, ses 235 pages disloquent avec ironie et précision ces théories trop belles pour être crédibles, leurs inventions…! C'est absolument passionnant. Ce genre d'analyse serait à appliquer à bien d'autres événements, anciens ou très récents, qui se retrouvent soudainement scénarisés sous la forme d'un complot…!
Les minimalistes et les mythographes, en général, n'ont aucune sympathie pour l'époque médiévale, "un monde irrationnel fait d'un mélange de symboles, de magie, de religion, de secrets, de sorcellerie…". Il leur échappe totalement que l'époque fut très créative en matière politique — elle inventa l'État moderne — comme en matière de lien social. La nation est une invention médiévale.

Mais, comme l'écrit l'auteur, le héros ne meurt jamais dans l'esprit de certains… Même si une substitution fût matériellement impossible lors de l'exécution de Jeanne à Rouen le 30 mai 1431 comme l'attestent les témoins de l'époque, témoins souvent récusés par les mythographes…! Je ne vois pas en quoi les témoignages de chaudronniers comme Jean Moreau ou Husson Lemaitre, d'un apprenti comme Pierre Cusquel le sont…? Comme l'ajoute l'auteur avec ironie…
Comment invalider tous ces témoignages ? Les clercs sont tous plus ou moins suspects aux mythographes. Ils ont participés au procès (c'est aussi pourquoi on les interroge !).
(…)
Les laïcs, eux sont récusés en fonction de l'humilité de leur condition : "il y a aussi parmi les témoins beaucoup de pauvres gens… qui n'ont pas bien compris ce qu'on leur demandait et qui ont signé (ils ne savaient pas signer !) sans hésiter le texte qu'on leur présentait." Il est vrai que, à Rouen comme à Domrémy, les juges, en fabriquant les questions, ont orienté les réponses. Y a-t-il un tribunal, hier ou aujourd'hui, où les accusés ou les témoins fabriquent les questions ? Non. C'est la limite normale des sources judiciaires. Chaudronniers ou paysans ne sont pas forcément des imbéciles. Les questions qu'on leur a posées sont factuelles ("Qu'avez-vous vu ce jour-là ?"), elles n'ont rien de théologique.

Pour finir, ce livre de Colette Beaune m'a remis en mémoire le cri de guerre de Noël Godin : "Entartons, entartons les pompeux cornichons…!"
L'auteur le fait ici à sa manière et c'est savoureux…!
Lien : http://www.urbanbike.com/ind..
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Jeanne d'Arc, qui fut oubliée pendant plusieurs centaines d'années, fut réhabilitée en 1817 dans le livre de Philippe-Alexandre le Brun de Charmette, pour être ensuite exploitée et récupérée à outrance pour des enjeux strictement politiques et aussi pour en faire un modèle féminin actuel.


Elle est peut-être le personnage le plus emblématique de notre histoire française.
Plusieurs milliers de livres furent ainsi publiés et jamais elle n'aura autant divisé les historiens.
Le problème vient de l'interprétation des sources et des événements même, parfois très controversés, et qui font encore aujourd'hui grand débat chez ces historiens et les chercheurs.


Ce n'est pas facile, pour un amateur comme moi, de se retrouver parmi l'historiographie de Jeanne d'Arc, les écrivains et historiens en suivant leur tendance politique et religieuse, s'étant attachés à retracer l'histoire de cette bergère chacun à leur manière et sensibilité.


Il y a déjà ces historiens « traditionalistes », dont leurs écrits très conventionnels, sont certifiés par l'Eduction Nationale, et qui soulignent la sainteté de Jeanne d'Arc, cette simple bergère et la mission divine qui l'a poussée jusqu'au sacrifice.
Colette Beaune dont je viens de terminer son livre « Jeanne d'Arc – Vérités et légendes », fait partie de ce groupe, qui vocifère et traite tous les autres historiens qui ont un autre avis, de « mythographes et de « survivalistes ». Et qui ne m'a pas apporté de réponses concrètes et satisfaisantes à mes questions sur cette petite bergère.


Puis il y a tous ces chercheurs « indépendants », moins nombreux, qui font une relecture de l'histoire officielle, qui font des découvertes très instructives, qui font des investigations très méticuleusement documentées et argumentées, mais qui dérangent bien sûr l'establishment.


En soulevant et énumérant toutes les incohérences trouvées sur le plan sociologique et historique, ils retiennent l'attention d'un public plus restreint dont je fais partie.
En exemple, comment une frêle bergère, est devenue subitement une redoutable amazone, comment elle a pu enfourcher si facilement un cheval, elle a pu enfiler une armure et devenir une très bonne cavalière.
Alors que la majorité des historiens médiévistes s'accordent à dire qu'il faut un minimum de sept années pour acquérir de telles capacités de cavalier et de guerrier.


Le mystère reste donc entier, volontairement ou pas entretenu.
Certains devront se contenter de la version officielle où une jeune fille, née à Domremy et brûlée vive à Rouen, bouta en 1429 les anglais de France.




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4éme de couverture
Jeanne, la petite bergère de Domrémy... Une putain doublée d'une sorcière... Fille cachée du roi, elle ne serait pas morte sur le bûcher à Rouen en 1431... La médiéviste Colette Beaune est en colère ! Peut-on laisser tout écrire au prétexte que la " grande " histoire serait parfois trop complexe, ou pas assez " folklorique " ? Dans un livre court, incisif, et avec beaucoup d'humour, l'historienne bat en brèche les nombreuses légendes qui circulent encore aujourd'hui sur la plus célèbre de nos grandes figures françaises.
Biographie de l'auteur
Normalienne, agrégée d'histoire, Colette Beaune figure parmi les plus brillants historiens de sa génération. Professeur d'histoire médiévale à l'université de Nanterre, elle a publié de nombreux ouvrages dont le journal du Bourgeois de Paris et Education et Cultures, du début du XIIe siècle au milieu du XVe siècle.
Historienne du Moyen Age, Colette Beaune est professeur émérite à l'université de Paris X. Elle a notamment publié Naissance de la nation France et Journal d'un bourgeois de Paris. Sa biographie Jeanne d'Arc a reçu le prix du Sénat du meilleur livre d'histoire.


Ce livre n'est pas une biographie de Jeanne d'Arc .
On peut lire tout et n'importe quoi sur Jeanne d'Arc qui tient une place à part dans l'histoire de France .
Colette Beaune trace d'abord un bref tableau de la situation politique en France ( pourquoi la guerre ? l'an 1429 ) et de là chaque chapitre répond à une question spécifique ( une pauvre bergére ? fille cachée du roi ? mandatée par Dieu ? … )
Si vous voulez savoir qui est vraiment Jeanne d'Arc au-delà des idées reçus ce livre est pour vous


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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Entre 1316 et 1328, les trois fils de Philippe IV le Bel moururent l’un après l’autre, en moins de treize ans, sans laisser d’héritier mâle.
Le dernier des fils (Charles IV) disparu, les barons français choisirent d’attribuer la couronne à Philippe de Valois, le plus proche parent par les hommes du dernier Capétien direct. Mais un autre prétendant était possible, le jeune roi d’Angleterre Edouard III, petit-fils de Philippe IV par sa mère, la reine Isabelle. L’Anglais pouvait se dire plus proche en degrés du bon roi Saint Louis. La succession à la couronne de France était encore réglée surtout par la coutume, qui n’excluait clairement ni les femmes ni les fils des femmes. A ses débuts, la guerre de Cent Ans fut donc tout simplement un conflit féodal qui opposait deux prétendants au même héritage, la couronne de France.Edouard accepta d’abord de prêter hommage à son cousin pour ses fiefs continentaux de Guyenne. Mais, dès que la guerre éclata, il prit le titre de roi de France et les armes aux fleurs de lys. Ses victoires sur mer comme sur terre (Crécy en 1346, Poitiers en 1356 où Jean II fut fait prisonnier) forcèrent le roi de France à accepter le traité de Brétigny qui entérinait la supériorité des Plantagenêts. Edouard III tenait désormais en toute souveraineté un immense duché d’Aquitaine courant de Bayonne à Poitiers, le Ponthieu, dot de sa mère Isabelle, et Calais, dont il s’était emparé en 1347. En contrepartie, il devait renoncer à la couronne de France. Mais les renonciations (des Anglais à la couronne et des Français à la souveraineté sur la Guyenne) ne furent jamais échangées.
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Comment invalider tous ces témoignages ? Les clercs sont tous plus ou moins suspects aux mythographes. Ils ont participés au procès (c'est aussi pourquoi on les interroge !).
(…)
Les laïcs, eux sont récusés en fonction de l'humilité de leur condition : "il y a aussi parmi les témoins beaucoup de pauvres gens… qui n'ont pas bien compris ce qu'on leur demandait et qui ont signé (ils ne savaient pas signer !) sans hésiter le texte qu'on leur présentait." Il est vrai que, à Rouen comme à Domrémy, les juges, en fabriquant les questions, ont orienté les réponses. Y a-t-il un tribunal, hier ou aujourd'hui, où les accusés ou les témoins fabriquent les questions ? Non. C'est la limite normale des sources judiciaires. Chaudronniers ou paysans ne sont pas forcément des imbéciles. Les questions qu'on leur a posées sont factuelles ("Qu'avez-vous vu ce jour-là ?"), elles n'ont rien de théologique.
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Les Armagnacs ont cru que Jeanne était une vraie prophétesse, les Bourguignons qu’il s’agissait d’une fausse. Le mouvement prophétique des années 1350-1450 est une réalité bien connue des historiens.
La question n’a jamais cessé de troubler les esprits : pourquoi le roi Charles VII, qui, en 1429, avait tant de raisons de se montrer méfiant, accepta-t-il de donner une chance à une petite paysanne illettrée et venue d’une lointaine frontière ? Les explications les plus invraisemblables ont été données à partir du XIXe siècle, quand le prophétisme eut à peu près disparu de la pratique politique ou religieuse et devint incompréhensible. Or, Jeanne avait été accueillie pour une raison bien simple. C’était une prophétesse entre beaucoup d’autres et les rois de France comme ceux de l’Ancien Testament accueillaient traditionnellement les messagers de Dieu.
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Depuis le récit biblique, toutes les femmes sont des tentatrices potentielles, des séductrices dont il faut se garder. Toute femme qui échappe au contrôle des hommes est suspectée de mauvaise conduite. Or Jeanne n’est plus chez ses parents, elle n’a pas de mari. Certes, ses frères l’accompagnent et le roi la flanque du très respectable Jean d’Aulon. Elle n’en est pas moins une anomalie dans ce monde où il n’y a pas de femme seule. Elle n’est pas non plus abritée par les murs solides d’une maison familiale ou d’un couvent. Ce n’est pas une femme cachée, ce n’est pas une femme gardée. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que de fâcheuses rumeurs courent très vite sur son compte et mettent à mal sa réputation. Comme toutes les femmes sont luxurieuses, comme toutes les femmes sont insatiables – les hommes, eux, seraient gouvernés par leur cerveau et non par leurs instincts -, Jeanne est traitée de putain, par les Anglo-Bourguignons, comme le seront bien plus tard Elisabeth Guigou, Dominique Voynet ou Anne-Marie Comparini. La longue durée est ici
garantie.
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Les minimalistes et les mythographes, en général, n'ont aucune sympathie pour l'époque médiévale, "un monde irrationnel fait d'un mélange de symboles, de magie, de religion, de secrets, de sorcellerie…". Il leur échappe totalement que l'époque fut très créative en matière politique — elle inventa l'État moderne — comme en matière de lien social. La nation est une invention médiévale.
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Vidéo de Colette Beaune
Colette Beaune - le Grand Ferré, premier héros paysan .A l'occasion des Rendez-vous de l'Histoire de Blois, Colette Beaune vous présente son ouvrage "Le Grand Ferré, premier héros paysan" aux éditions Perrin. http://www.mollat.com/livres/beaune-colette-grand-ferre-premier-heros-paysan-9782262028916.html Notes de musique : Gnomone a Piacere by MAT64
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