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Critique de horline


1915, en Lorraine. Dans les tranchées, la boue, confronté à l'ennemi, à la solitude et finalement à soi-même, Simon, tout comme ses trois amis d'enfance, découvre l'infamie et l'angoisse de la guerre. Ils ont à peine connu la vie qu'ils apprennent à côtoyer la mort.

La guerre est un véritable chaos, elle dépouille les soldats de leurs rêves et de leurs espoirs, blesse plus profondément leur âme que leur chair. Il y a certes les assauts, les explosions qui tuent vite mais il y a aussi « quelque chose d'autre qui tue lentement ». Tout est imprévisible pour ceux qui ont à peine quitté l'adolescence, tout est aussi plus fort, plus intense, plus douloureux. Face à ces émotions qui ne peuvent s'exprimer à voix haute et qui ne peuvent être partagées, Simon les consigne par écrit dans un journal de guerre, comme pour soulager une conscience meurtrie et résignée.
Pas de récit chronologique, ni de reconstitution historique, encore moins de trame factuelle millimétrée. de manière inédite, le roman s'inscrit dans la densité humaine. Il explore les replis de l'âme damnée de quatre jeunes soldats allemands sur le front de l'est. C'est un concentré d'émotions, « d'avalées de tristesse » et de rêves renoncés, mais aussi de tendres souvenirs, de rires dérivatifs ou d'enchantements intérieurs pour abandonner pour quelques instants la réalité qui vrille l'estomac.

Lilyane Beauquel c'est une leçon de style époustouflant. Loin des canons du genre, le récit qu'elle nous propose est une plainte, un lamento, une élégie. C'est un chant d'âmes damnées sublimé par l'obstination de l'auteur à extraire le beau, la grâce lorsque la réalité est sombre. Les sentiments de joie, de résignation ou d'espérance ne sont jamais aussi beaux que lorsqu'on les devine fragiles. Avec une prose contemplative et poétique, elle parvient à magnifier la fragilité de l'instant, à sublimer ces vies anonymes pour en faire des destinées.
Ce style si particulier produit même l'impression d'un réalisme patiné (sans pour autant épargner le lecteur de l'horreur), il se dégage comme une délicatesse et une sérénité quelque peu à contre-courant des faits.
Pour certains ce serait peut être une écriture trop sophistiquée ou trop féminine au regard du thème choisi. Pour d'autres, un style magnifique qui veut faire percevoir la réalité des choses par les émotions, rappelant ainsi que la beauté de la guerre est rare, la marche forcée vers la haine réellement destructrice pour ces armées d'invisibles.

En reliant l'intime à l'universel, Avant le silence des forêts constitue une leçon de littérature autant qu'une réflexion sur la barbarie de la guerre.

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