La malscène

"Ce livre est un livre de colère", voici l'aveu qui ouvre cet essai et qui nous permettrait d'excuser une certaine absence d'argumentation, alors que l'auteur expose des opinions en forme de vérités sur la façon de mettre en scène. le style témoigne de cette colère avec succès : un vocabulaire simple, oral, tout au long des chapitres courts et emportés par des successions d'interrogations, qui souvent se substituent aux arguments. L'intervention du metteur en scène contemporain dans le montage d'un opéra lui semble néfaste. Et l'on comprend rapidement que l'auteur centre sa réflexion sur l'opéra même si par moments il prétend se référer à la mise en scène en général.

Si l'on se doit de reconnaître la richesse ostentatoire de références sur l'opéra et ses airs (en italien qui plus est...), on remarque aussi une compréhension indigente du métier de la mise en scène et de ses fondements théoriques, qui ne se résument pas à une mauvaise application des propos brechtiens comme le veut Beaussant. Si l'on peut facilement adhérer à la thèse selon laquelle les mises en scène contemporaines d'opéra suscitent la confusion, par leur éloignement de l'oeuvre poussé jusqu'à l'absurde, on a en revanche plus de mal à nous enfermer dans la conclusion, selon laquelle la mise en scène d'un opéra obéirait strictement à ce que la musique nous dit.

Certes, des metteurs en scène poussent leur interprétation d'une oeuvre jusqu'à perdre les piliers qui la soutiennent, et leur public. Mais affirmer avec Beaussant, qu'il y aurait une hiérarche des arts, que les oeuvres sont intouchables, que seul existerait une façon de faire serait méconnaître profondément l'existence d'une démarche artistique propre au metteur en scène, nier l'infinité des possibles de la création et donc séparer l'art de son allié principal, la liberté.