Dans la mythologie grecque Prométhée est le Titan qui façonna l'homme à partir de boue et lui offrit le feu (métaphore du savoir divin) volé à Zeus. Celui-ci, fou de rage, le condamna à être enchaîné à un rocher, son foie se faisant dévorer par un aigle chaque jour, pour se régénérer la nuit. Ainsi, Prométhée est celui qui, symboliquement, extirpa l'humanité de la nature pour la propulser dans la culture.
La métaphore est donc idéalement choisie, par l'excellent Christophe Bec, pour faire le parallèle avec une théorie (l'exogénèse) qui veut qu'une ou plusieurs civilisations extraterrestres veilleraient la terre depuis des millénaires et auraient permis à l'homme d'évoluer.
Si dans les premiers tomes de cette série, l'auteur prend un malin plaisir à préserver le suspens quant à l'origine des mystérieux phénomènes qui se déroulent tous les jours à 13h13, sur l'ensemble du globe (les avions se crashent, le Titanic refait surface, les montres s'arrêtent etc...), il ne s'égare pas dans le "syndrome Lost".
La piste extraterrestre est rapidement mise en avant comme la plus crédible et donc la plus probable, et ne cessera de se confirmer, jusqu'à l'apocalypse finale. Nous suivons, au milieu de cette période critique de l'histoire de l'humanité, une galerie de personnages qui ont en commun d'être tous spectateurs de ces évènements, sans réel prise sur eux. J'affectionne particulièrement Donald Clarence Jr, le président des Etats-Unis en 2019 qui est très crédible en homme d'état froid et cynique et qui symbolise parfaitement l'impuissance des politiques face à des évènements exceptionnels, voir leur surdité, vis-à-vis des avertissements de certains scientifiques.
Le ton est d'ailleurs parfois presque scolaire quand il s'agit d'expliquer, par exemple, ce qu'est un trou de vers ou autres phénomènes physiques, mais cela s'avère extrêmement instructif.
Pour autant, le monde scientifique ne ressort pas blanc comme neige de cette confrontation avec les créateurs extraterrestres de la race humaine, jugé aussi coupable que l'ensemble de l'humanité, notamment en raison des diverses expériences menées à partir de technologies aliens.
Les deux premiers tomes ont été scénarisés et dessinés par
Christophe Bec, avant qu'il ne soit rejoint par
Stefano Raffaele sur la suite (notons un bref passage d'
Alessandro Bocci sur le tome 3). Malgré cela, le dessin demeure d'une grande continuité stylistique, présentant un trait fin et un encrage subtil. Les couleurs ne sont pas extraordinaires et l'ensemble manque peut-être de dynamisme, mais c'est une série qui s'apprécie d'abord pour son scénario. Les tomes 9 et 10, qui forment un diptyque, sont vraiment le point d'orgue de l'histoire, la tension y étant à son comble. Les tomes 11 et 12 viennent logiquement conclure un arc narratif, débuté au tome 1, mais la série semble devoir se poursuivre avec un treizième tome, bien qu'elle aurait très bien pu s'arrêter là.
En bref, "Prométhée" est vraiment une excellente bd de sf, à l'ambiance ufologique et conspirationniste très marquée, une sorte de croisement entre "X-Files" et "la Guerre des Mondes", matinée de références à la mythologie grecque.