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Critique de encoredunoir


1991. Lee Atwater, conseiller du président George Bush vient de mourir. George est d'autant plus peiné qu'il ne cesse de chuter dans les sondages qu'il aimerait pouvoir bénéficier de l'aide de cette machiavélique éminence grise pour la campagne présidentielle de 1992. Heureusement Atwater, sur son lit de mort, a laissé un ultime mémo, une tactique explosive pour faire remonter la côte de George Bush.

« Ce qu'il fallait à l'Amérique – ou à Bush, ou à Beagle – c'était un envahisseur.

Problème. Gros problème. Qui allait envahir les États-Unis ? le Mexique ? le Canada ? Ridicule. Les fantômes de l'URSS ? Ils nous balanceraient leurs bombinettes, on leur balancerait les nôtres et c'en serait fini d'Hollywood. le Japon ? Serait-il prêt à nous rejouer le coup ? Pouvait-on faire passer l'offensive économique pour une invasion ? Non. La guerre économique, c'était trop compliqué pour la télé, et puis surtout, il n'y avait pas d'images.

Il rumina son scénario vietnamien. Tant qu'il n'aurait pas compris ce qui clochait dans le Retour, il tournerait en rond. Il se repassa quelques séquences sur le Viêtnam et, en moins d'une minute, il repéra le hic : la jungle. Tout était là. Les Américains n'aimaient pas la guerre dans la jungle. Trop humide. Trop chaud. Qui dit chaleur humide dit maladie et sexe. Les Ricains aimaient se colleter avec les nazis. Ils aimaient le combat à l'allemande. Mécanisé. Discipliné. Propre et sec ».

Et bien oui, comme le dit la sagesse populaire, rien ne vaut une bonne guerre. Mais alors il faut des images. Et pour avoir de bonnes images, pour pousser le populo à vraiment apprécier la guerre, à ne pas en être dégouté, il faut confier l'affaire à des professionnels. Ça tombe bien, en Amérique il y a Hollywood et des tas de producteurs et de réalisateurs spécialisés dans les films qui font boum, avec des héros valeureux et de jolies infirmières.

Mais le problème aussi, avec ce genre d'idée, c'est que des fuites sont toujours possibles.

Publié en 1993 aux États-Unis, Reality Show (American Hero, dans la version originale, titre plus subtil), est un véritable brûlot dirigé contre l'administration Bush. Cynique, d'une construction machiavélique, à l'image du supposé mémo d'Atwater qui en est le point de départ, le livre de Larry Beinhart sait conjuguer tous les éléments qui en font roman exceptionnel : un point de départ tellement trop gros pour être vrai qu'il en devient crédible, des personnages qui frôlent la caricature mais qui demeurent eux-aussi crédibles pour la bonne raison qu'on les connait (Bush, Atwater, les conseillers, les producteurs…), un joli hommage au roman noir avec privé hard-boiled et femme fatale…

Reality Show a été adapté au cinéma, sous le titre Des hommes d'influence (Wag the dog), par Barry Levinson avec, entre autres, Dustin Hoffman et Robert de Niro. C'est un film sympathique, amusant mais qui reste gentillet si on le compare au roman qui, lui, ne se contente pas de nous faire rire (même s'il le fait bien) mais nous refile aussi quelques frissons, et nous fait nous interroger sérieusement sur l'ampleur de la collusion qui existe entre le pouvoir et les médias. Certes, plus de quinze ans après, notre innocence sur la question a été pas mal égratignée et cette charge nous apparait maintenant moins inédite. Il n'en demeure pas moins que, menée avec finesse (si, si) et talent, elle constitue encore une lecture salutaire.


Lien : http://encoredunoir.over-blo..
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