Cent jours et une vie

J’entends encore ses hurlements qui nous poursuivent. Alors, je fais la seule chose à faire, celle que je fais à chaque fois, j’appelle ma grand-mère à la rescousse. C’est la seule personne que ma mère craint, la seule à pouvoir la calmer le temps que l’ambulance arrive pour l’emmener chez les fous, et enfin la seule personne qui peut s’occuper de moi. Je n’aime pas ma grand-mère, elle est dure, jamais un mot gentil ou un geste tendre. Je sais qu’elle pense que par ma simple présence j’aggrave l’état de sa fille et que si je n’étais pas née, sa vie serait plus simple.

Si je suis honnête, je n’ai jamais été tentée par les sirènes de l’amour. Ce sentiment, qui de l’avis de tous dirige le monde et le comportement de mes semblables, me reste totalement inconnu. Peut-être n’ai-je jamais rencontré le bon partenaire ? Je pense plus sûrement être imperméable à ce genre de niaiseries. J’ai, bien entendu, des moments câlins avec des hommes, cela me parait bien plus simple que de s’entortiller dans une histoire compliquée et destructrice.

En outre, passer mon temps libre à l’hôpital n’est pas une bonne idée, ça fait assez vieille fille sans vie privée. Quelle vie privée d’ailleurs ? Il faut bien admettre que je n’en ai pas. Pas d’homme dans ma vie, pas de chat et même pas une plante à arroser. J’ai essayé les végétaux, prudemment avant de tenter un mammifère, mais bien m’en a pris ! La plante verte a tenu huit jours et est décédée… je crois qu’elle s’est suicidée de désespoir. Et q

J’aime bien aller chez eux, c’est plein de vie, rien à voir avec mon appartement où ma mère passe du grand délire joyeux à la dépression la plus profonde. Ici on vit, les portes claquent, ça discute, il y a de la musique et par-dessus tout, ça sent toujours la bonne cuisine. Mais ce coup-ci, je ne suis pas trop fière, elle va m’engueuler, c’est certain.

’ai aussi aimé les mamans singes avec leurs bébés, elles ont l’air d’être de très bonnes mamans. Je les ai regardées longtemps. Les autres singes s’occupent aussi des bébés pour que la maman se repose. Comme nous. Enfin, comme moi. Même si j’ai l’impression que les mamies singes sont plus gentilles que la mienne. On ne choisit pas, c’est comme ça.