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Critique de le_Bison


« C'est l'histoire d'un homme leurré par le vent, oublié par le temps et nargué par la mort. »

Première phrase de Tahar Ben Jelloun que je lis. Avec une telle entrée en matière, je crois que je peux m'arrêter là. Cette image du vieil homme ‘oublié' par le vent restera ancrée en moi. Je commanderai bien un thé à la menthe, et cette serveuse, si elle me faisait la danse du ventre… Je me perds dans le souk, pas à Marrakech, ni à Fès que le vieux a du quitter à contre-coeur mais à Tanger, cette ville balayée par le vent d'Est qui brûle les bronches du vieux.

Jour de Silence à Tanger est un long monologue d'un vieux aigri par la vie. Il en veut à tout le monde, il s'en veut à lui-même. Avec l'âge, avec la maladie, avec la fatigue, il découvre la solitude. Il est seul dans cette maison balayée par le vent. Absolument seul, une femme de ménage qui en plus n'est même pas belle, sa femme qui n'est en somme qu'une femme et quelques objets autour de lui qui semblent prendre vie et qui lui font regretter encore plus l'avancée du temps.

Son corps l'abandonne, ses bronches lui transpercent le torse. Et seul, il repense à ses amis. Il leur en veut pour certains d'être partis avant lui. Eux sont là-haut, lui est seul, en bas, dans cette maison, dans cette ville qu'il n'a jamais aimé. Il est seul, et il s'ennuie.

Il est grincheux, comme un vieux. Les vieux ne sont jamais contentés, toujours à ressasser les souvenirs d'antan. Toujours à penser à cette vie vécue dans un autre temps, dans un autre lieu même. Pourquoi a-t-il fallu qu'il quitte la belle Fès pour ce merdique Tanger ? Il repense à ses amours de jeunesse, ces belles filles qui le faisaient rêver contrairement à celle qu'il a épousé. le vieux n'a pas forcément la même conception du couple et de la famille. Il regrette l'absence de ses fils et de ses neveux à ses côtés. Sa femme, à ses côtés, ne serait même pas effacer cette peine, cette lourde douleur de solitude.

Le vent souffle et s'engouffre dans l'interstice de cette vieille maison. le vieux tousse jusqu'à s'arracher un poumon, la femme de ménage fait le ménage avec ses seins qui pendent sous sa robe, la télé hurle, et lui seul dans on lit se remémore toutes ces petites erreurs du passé qui l'ont poussé à venir dans cette ville balayée par le vent, qui l'ont amené à s'éloigner de ses fils, de ses neveux et de son beau-fils, ce sale traitre.

J'ai une requête à te faire, si je deviens aussi aigri que ce vieux, achèves-moi de suite ! On achève bien les chevaux. Je n'ai pas envie de suivre cette même fin, de sentir sur mes épaules le poids de mes erreurs passées et les petites brouilles qui polluent maintenant avec l'âge toutes mes pensées. Demain, le ciel redeviendra peut-être bleu, le vieux retournera dans la médina de Fès descendant le dédale de ruelles avec son vélo. Mais ce soir, il est allongé dans son lit, les étoiles éclairent les fissures de son plafond décrépi et s'apprête à subir un nouveau « Jour de Silence à Tanger ».
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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