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Critique de Malaura


C'est l'histoire d'un jeune homme pauvre dans la Tunisie d'il y a moins d'un an, un homme simple et bon comme il en existe des millions.
C'est l'histoire d'un homme de 30 ans, diplômé d'université mais chômeur, qui, à la mort de son père, est contraint de reprendre la charrette paternelle pour vendre à la sauvette quelques malheureux fruits afin de subvenir aux besoins de sa mère et de ses frères et soeurs.
C'est l'histoire d'un homme quotidiennement harcelé, persécuté, humilié par la police. Car chaque jour, dans ce pays où n'existe qu'une seule justice, celle des riches, ce sont des contrôles d'identité sans motif, des interrogatoires interminables, des brimades, des insultes, des coups. Tous les jours les policiers abusent de leur petit pouvoir de supériorité pour brutaliser et terroriser une population de plus en plus démunie, miséreuse, opprimée. Et pourtant « si tu cherches un peu, tu découvriras que le flic est issu d'une famille aussi pauvre que la nôtre. Mais comme tu sais, les pauvres ne s'aiment pas entre eux… »
C'est l'histoire d'un homme qui voulait s'en sortir, qui rêvait d'une vie simple auprès de sa fiancée, oh pas grand-chose, juste une petite existence normale, sans cette peur qui tétanise et fait rester prostré comme un animal sans défense, sans ce sentiment grandissant de n'être rien au monde, et même moins que rien, quantité négligeable, un invisible, un malheureux.
C'est l'histoire d'un homme qui est né du mauvais côté de la barrière, celle des nécessiteux, et qui est à bout.
L'offense de trop, l'humiliation de trop, l'espoir qui s'éteint, les lendemains qui déchantent et plus rien à quoi se raccrocher car Dieu s'est mis du côté des riches et « tel est le destin : cruel et injuste »…Alors…
« C'est l'histoire d'un homme qui à force d'être écrasé, humilié, nié dans sa vie, a fini par devenir l'étincelle qui embrase le monde ». Un homme que personne n'a écouté, que personne n'a entendu et qui, au bout du rouleau, a commis un acte désespéré en se transformant en torche humaine, en brasier de chair.
C'est l'histoire d'un homme qui a fait de sa vie une arme.

Il s'appelait Mohamed Bouazizi. le 17 décembre 2010, il s'immolait par le feu sur la place publique. Il est mort le 4 janvier 2011 des suites de ses brûlures. Parce qu'il a été le catalyseur de tous les désespoirs, de tous les ressentiments, de toutes les amertumes, de la tragédie d'un peuple broyé depuis trop longtemps par un gouvernement despotique, son geste, radical, désespéré, absolu, a été le détonateur de l'immense insurrection qui a soulevé le monde arabe au printemps 2011 et notamment de la « Révolution de Jasmin » en Tunisie.

Ecrit quelques semaines après les soulèvements, en hommage au martyr Mohamed Bouazizi, ce court texte plein d'intensité dénonce la paupérisation systématique et les conditions d'existence d'une population laminée par la misère et l'autoritarisme.
Un texte beau par sa simplicité, beau par l'émotion qu'il dégage, beau par le symbole qu'il représente, beau par la tristesse qu'il occasionne devant l'amère réalité d'un pays acculé au chômage, à la pauvreté et à la soumission qu'impose un gouvernement corrompu, beau par le vent de liberté tragique que le geste suicidaire d'un homme a permis de faire souffler sur des années d'asservissement.
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