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Critique de Little_stranger


SIDÉRATION, subst. fém.
A. − ASTROL. Influence subite exercée par un astre sur le comportement d'une personne, sur sa vie, sur sa santé. (Dict. xixeet xxes.).
B. − MÉD. ,,Suspension brusque des fonctions vitales (respiration et circulation) par électrocution, action de la foudre, embolie, hémorragie cérébrale, etc.'' (Man.-Man. Méd. 1980).
C. − AGRIC. ,,Fumure par enfouissement dans le sol de fourrages verts, en particulier de légumineuses, appelées plantes sidérales, car elles ont la propriété de prélever, grâce au soleil, l'azote de l'air, et de le fixer sur leurs racines'' (Fén. 1970). [https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/sideration]

Sidération : cela résume bien l'état d'esprit dans lequel se trouve la narratrice lorsqu'elle fait face à la maladie, la longue agonie et le décès de sa mère, le 21/05/2018. Sa maman,Nicole, était cardiologue de renom comme son époux, Paul. Nicole et Paul, deux parents absents, absorbés par leur passion, leur métier. Et des enfants élevés par une grand-mère, Rachel, au coeur tendre qui fut une maman exigeante envers ses propres enfants, mais accepte tout de ses petits-enfants, vénérés.
Parce qu'elle connaissait peu ses parents, et que le silence est une vertu cardinale dans sa famille, la narratrice va enquêter et découvrir l'enfance de sa maman, enfant de confession juive, que ses parents (Rachel et Herman Fradjer) ont dû cacher en province pour qu'elle survive, tandis qu'eux-même étaient cachés par des amis à Paris. Une petite fille de Paris dans une province, des années 40 avec son frère, Henry, ex Henri, ex Riri, qui deviendra dentiste. Et une cellule parentale française de confession juive, peu pratiquante qui va survivre, mais va voir déporter et mourir tous ses membres, tous français dans une époque d'une grande violence et d'une laideur ignoble pour la France. Il y a pourtant des Justes, même si ils ne sont pas officiellement recensés dans le registre de Yad Vashem : les Cassemiche, dont le fils Pierrot, Pierre, est le meilleur copain de Riri dans cette province profonde. Ils vont former une famille élargie pour la famille Fradjer.
Nicole va se battre pour s'élever socialement, portera haut l'indépendance féminine dans sa fonction, dans ses actes, ses soutiens.
En parallèle, sa fille, contemple la nouvelle génération, son époque, ses combats et constate que le cauchemar revient (j'ai beaucoup repensé à la chanson "Anne ma soeur Anne" de Louis Chedid, comme souvent).
Il y a aussi le papa de la narratrice, Pau Benaïm, cardiologue lui aussi, après avoir été tenté par la pédiatrie, né à Oran en Algérie et qui avait pour enseignant, Paul et Nicole se sont rencontrés à Lariboisière, tout deux luttant contre l'antisémitisme toujours latent et le machisme.
La narratrice fait face à la vieillesse et la dépendance de ses parents et je me retrouve en elle (nous sommes nées dans les années 60). Son texte fourmille des mêmes références que les miennes et c'est un plaisir doux-amer de se replonger dans ces années là. Je vis les mêmes tourments, je ressens la même colère, la même sensation de décalage avec les nouvelles générations : je dois vieillir moi aussi. Je suis à l'âge où l'on doit faire face après l'éducation des enfants à la dépendance de ses parents, qui deviennent parfois "nos enfants". Je pleure rarement, mais je pleure toujours quand je vois des archives des camps de déportation : je vois ces fantômes, ces personnes et je pleure, c'est insupportable, c'est inconcevable ... Je pleure pour les vivants, je pleure pour les morts, je pleure pour qu'on n'oublie jamais. Un très beau livre sur le souvenir, les liens (parfois douloureux), la transmission et je remercie NetGalley pour l'avoir découvert et pouvoir en faire la critique
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