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Critique de montmartin


Donato et Émilia, un père et sa fille, sur le pont du grand paquebot qui vient d'accoster. Nous sommes en 1910 et ils viennent d'arriver à Ellis Island. Leur langue est devenue étrangère. Avec leurs compagnons de voyage, ils partagent tous une espérance sans limites, sans limites comme ce nouveau pays. Nous allons les suivre lors de leur première journée et première nuit face à la statue de la Liberté. Certains ont été chassés par la misère, d'autres sont ici par envie et par choix. Chacun va tenter de trouver une place dans ce Nouveau Monde. Les langues, les fraternités et les corps vont se mêler et au lever du jour plus rien ne sera comme avant.
Ce qui m'a vraiment intéressé dans ce récit ce sont les portraits de cinq femmes, fortes, fières et indépendantes. Émilia ne rêve pas de prince charmant, mais elle rêve de liberté, d'un endroit où dessiner et peindre nuit et jour. Lucile, jeune fille de bonne famille ne demandera jamais à l'homme qu'elle aime de sacrifier ses rêves pour une vie de famille. Esther a fui les massacres de la lointaine terre d'Arménie, sauvée par les corps entassés sur elle. Marucca, fille sauvage d'un chef de groupe de bohémiens attend son amoureux sans broncher, elle sait qu'il reviendra. Hazel est arrivée pour se louer dans une maison close, elle a su endormir son corps pour en faire un outil. Avec l'argent économisé, elle veut ouvrir une pension pour accueillir les femmes qui arrivent de loin, un endroit paisible où elles pourront trouver un havre de paix.
Les personnages masculins sont aussi riches par leurs rêves, leurs passions, leurs souvenirs, leurs doutes, leurs faiblesses.
J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce roman, petit à petit j'ai apprivoisé le récit et les personnages et puis j'ai retrouvé la magie de l'écriture poétique, lumineuse et sensuelle de Jeanne Benameur. L'auteur nous fait parfaitement ressentir le déchirement de quitter son pays, sa culture et sa famille. Les contrôles qu'il faut affronter, les formalités interminables, l'humiliation parfois. Les dernières pages sont sublimes et résonnent particulièrement dans notre monde actuel, écoutez :
« les émigrants ne cherchent pas à conquérir des territoires. Ils cherchent à conquérir le plus profond d'eux-mêmes parce qu'il n'y a pas d'autre façon de continuer à vivre lorsqu'on quitte tout.
Ils dérangent le monde où ils posent le pied par cette quête même.
Oui, ils dérangent le monde comme le font les poètes quand leur vie même devient poème.
Ils dérangeront le monde parce qu'ils rappelleront à chacune et à chacun, par leur arrachement consenti et leur quête, que chaque vie est un poème après tout et qu'il faut connaître le manque pour que le poème sonne juste.
Ce sera leur épreuve de toute une vie, car lorsqu'on dérange le monde, il est difficile d'y trouver une place. »
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