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Critique de ged7fr


Cette critique concerne les 5 romans , mais surtout des trois derniers tomes, du cycle du « centre galactique » de Gregory Benford

C'était un cycle remplis de promesse mais qui s'enfonce dans l'ennui. Je pense que le fait que le sixième tome, publié originellement en 1995, presque 30 ans, n'a pas été traduit est la conséquence de cet ennui. J'ai terminé la lecture des 5 tomes publiés en français et j'ai pris connaissance des résumés du sixième tome. Et au final, je suis déçu.

En fait le cycle est en réalité deux (sous-)cycles bien distincts et quasi indépendants. Les deux premiers tomes se situent dans un univers contemporain au moment où l'humanité est confrontée à ses premiers contacts qui n'ont rien de très pacifique. le récit est mené par Nigel, un astronaute peu conventionnel et qui a tendance à désobéir aux ordres. Les trois tomes suivants se situent environ 30000 ans plus tard au centre de la galaxie. Ce qu'il reste de l'humanité est aux abois, pourchassé par les mécas qui semblent vouloir les exterminer. Les dernières tribus humaines sont le reliquat d'une civilisation galactique qui semble avoir organisé son démantèlement. le récit se concentre sur la fuite de la famille LeFou (Bishop). D'abord (tome 3) de leur planète natale Nivale, chassé par les mécas et notamment la Mante, une sorte de tueuse. Puis (tome 4), à bord de l'Argo (un antique vaisseau humain intact) sur une autre planète qui commence a être démantelé, découpé par une corde cosmique. Car les myriapodes, qui domine la planète et extermine les humains autochtones, veulent transformer le système en une sphère de Dyson. Enfin (tome 5), dans une structure cachée dans l'ergosphère au coeur du trou noir (de Kerr) au centre de la galaxie. Et Nigel réapparaît comme un diable sortant de sa boîte dans les dernières pages qui attendait Toby, en personne, depuis… 28000 ans.

Si le récit de la fuite des LeFou est intéressante sur bien des aspects : en particulier le fait que leur connaissance et leur structure sociale est désormais plus proche des chasseurs cueilleurs, mais qui ont encore accès à des technologies qu'ils sont bien en peine de comprendre et de maintenir. C'est souvent ennuyant, il y a bien souvent des chapitres qui semblent ne servir à rien. Les intrigues personnelles souvent tournent en rond, à force deviennent insipides ou se concluent de manière bizarre. Par exemple dans le tome 5, dans un énième « Deus ex Machina », Toby semble réellement mourir « dans une explosion de mort et de joie ». Mais non, il se réveille « transformer ». Il a découvert son « Moi » et il est désormais « libre ».

La structure du récit du second (sous-)cycle a tout de la fuite des juifs dans le désert mené par la famille de Moïse (ici Killeen) et son « fils » Josué (ici Toby). Il ne s'agit pas seulement de l'errance, mais aussi du ton prophétique, d'une « terre promise » promise post-mortem par le père de Killeen, qui s'appelle... Abraham (peut-être pas si mort que ça), mais aussi de communication avec un métatron, une voix de Dieu, qui donne ses instructions d'une voix tombant littéralement du ciel, ciel électrisé comme le buisson ardent. L'idée est intéressante, et fait écho à un des thèmes traités, mais le déroulement est aussi ridicule que la bible, et ajoute une couche de mystère qui n'est jamais résolu (en tout cas dans les 5 tomes français, et ne semble pas l'être dans le dernier tome non traduit).

Ce sont des romans de hard-science comme le revendique les préfaces et les postfaces. Ça l'est indéniablement tant que l'on demeure dans les connaissances scientifiques connus. Malheureusement, quand on verse dans le spéculatif, ça devient débridé : on a l'impression de glisser dans la fantasy.

L'auteur nous invite à réfléchir à de nombreux thème : la dualité entre le vivant et le non vivant, et de la mort et de la mortalité en particulier, la dualité entre le conscient et le non conscient, les différentes consciences individuelles, collectives et d'espèce (entité vivante), les traductions des consciences sous forme de philosophie, de religion, d'art. Il fournit de nombreux cas d'exemples à traiter : les humains associés en famille/tribus ; les « aspects » qui sont les enregistrements numériques interactifs d'anciens membres décédés de la tribu, voire plus anciens ; les mécas sous différentes formes, simple machine, machine distribué intelligente, voire auto-progamme ; les myriapodes constitués en ruches bigotes avec des déviants ; les ensemenceurs qui voyagent d'étoiles en étoiles pour ensemencer les planètes de végétaux ; les faunes du quasi-vide de l'espace ; les faunes de la structure fractale (non nommé) du cône d'espace-temps (E-T, été) au coeur du trou noir galactique.

L'auteur offre de nombreuses sources de réflexions. Mais il ne nous guide pas, ou ce n'est pas compréhensible comme l'épisode de la découverte du « Moi » par Toby exposé plus haut. Il donne l'impression de poser çà et là des pépites et des objets, pour les oublier aussitôt et passer au dévoilement d'un nouvel oeuf.

En tant que lecteur actif, j'ai essayé de mettre de l'ordre dans tout ça à défaut de me laisser porter par l'auteur. Donc je ne sais pas si l'interprétation que je tire de ce cycle est plus personnelle que l'intention de l'auteur.

Il n'est pas facile de tracer des frontières claires entre ce qui est vivant et ne l'est pas, entre ce qui est conscient et ne l'est pas. C'est peut-être même impossible. J'aime d'ailleurs assez l'idée de Douglas Hofstadter pour qui la conscience, et j'ajouterai le vivant, est un continuum entre pas du tout, un peu, pas mal, beaucoup. de mon point de vue, il est difficile de dissocier complètement l'idée de vivant et l'idée de conscience. Car l'une et l'autre sont associées à une capacité de « modifier » le cours « physique » de l'univers. Je vais néanmoins essayer de ne pas tomber dans la doctrine du vitalisme, comme je suspecte un peu l'auteur.

Qu'est ce qui distingue « Vivance » et « Conscience » ? La première, le vivant, tente de maintenir des êtres (il est par exemple question du problème du nombre minimum d'individus pour préserver la tribu) : on peut penser à des êtres matériels, mais rien n'empêche d'imaginer des êtres « non matériels » ou immatériels plus difficile à définir concrètement, encore plus à observer. le second, la conscience, à définir un langage, une sorte de moteur logique. La conscience se pose certainement les questions de l'être, son origine, sa finalité, et exprime les réponses sous forme de religion, d'art, d'éthique, de philosophie (dont on voie les exemples dans le récit). Elle est agissante même dans l'inaction (comme le bouddhisme dont il est question dans les romans).

Prenons un exemple pour exprimer mon propos, peut-être le plus étonnant. Les ensemenceurs semblent avoir une conscience individuelle et collective assez faible. Impossible ou difficile à dire si elles sont nulles. Cependant ils ont une conscience d'espèce qui est parfaitement explicite : en se vouant à ensemencer les planètes par des végétaux. Pour eux la finalité de l'univers est de propager la vie, l'origine est l'absence de vie. Certes ce ne sont pas les ensemenceurs qui définissent « consciemment » leur vision de l'univers, leur objectif ou leur mission, en envoyant un quelconque message floral (quoique l'on ne peut pas en être sûr), mais leur comportement (que nous observons). En quoi des végétaux peuvent-ils revendiquer le fait d'être des entités conscientes, probablement en créant des moyens extrêmement complexes pour s'arracher d'une planète, voguer entre les étoiles en choisissant leur trajectoire, s'adapter et se transformer en fonction des milieux et des phases de leur développement.

Bref, j'aurais préféré que dans ce cycle on suive plutôt (ou plus explicitement) la pérégrination d'un Darwin des étoiles que du capitaine du Beagle.
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