Giana éprouva un élan de solidarité féminine : la jeune voltigeuse devait régulièrement se défendre contre les attaques de Vandivier qui semblait avoir des vues sur elle. Cette histoire finirait un soir par une agression vicieuse du grenadier, et par un coup bien placé dans son bas-ventre (c'est ce que Giana espérait) de la part de Franko.
Les affaires se concluaient souvent de la sorte : des conscrits rompus à toutes les formes de guerre totale, coupés de leur attaches personnelles, abrutis par des entraînements inhumains, ne constituaient pas des candidats naturels aux histoires sentimentales... Un bon coup de botte blindée valait mieux que de longues romances pour signifier son refus à un partenaire potentiel.
De plus en plus de Citoyens masculins choisissaient des prénoms de femme, à leur majorité, pour manifester leur soutien totale à la parité des sexes.
"Voyons à quoi ressemblent nos chers révolutionnaires variants…"
La mestre s’interrompit soudain, fixa le burg pendant plusieurs dizaines de millimes – presque une minute – puis regarda Giana d’un air désemparé, sans avoir refocalisé, les yeux encore perdus au loin.
Sa vision s’accommoda de nouveau et elle lui demanda : "Vous avez vu ? Ces Acanthes, ils sont…
— Ils sont très différents de nous. Des Variants de stade trois au minimum. Nous n’avions pas eu cette information, en effet."
Giana laissa la mestre du camp accuser le coup puis observa à nouveau les formes mouvantes dans la brume, ces êtres humains dont les membres démesurés flottaient comme des cerfs-volants des temps anciens et qui semblaient vouloir les défier.