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Critique de Tiphrom


Publiés en un seul volume par les éditions P.O.L., « Un coup d'un soir » suivi de « Dans le lit de Marin » (sous-titré « ou La mauvaise foi ») constituent un objet littéraire passionnant et très abouti ; innovant, captivant et dérangeant, ce volume de 378 pages se laisse dévorer avidement.

Le narrateur (innommé) est un romancier bruxellois de 32 ans qui « suit » Marin, normand de 20 ans vivant désormais à Rennes, sur le réseau social Instagram. Attiré par la beauté que laissent entrevoir quelques clichés choisis, le romancier entame, puis entretient, une conversation aux multiples distances - numérique, géographique, générationnelle, intellectuelle, matérielle, conjugale... Ce jeu de séduction s'articule autour d'un miroir : le romancier est en couple, entend le rester, mais veut Marin ; celui-ci veut être en couple, il s'attache davantage au romancier qu'à leur liaison éphémère.

À partir de ces quelques éléments, Mathieu Bermann construit un double roman foisonnant, écrit à une première personne troublante et terriblement inclusive pour le lecteur, qui devient témoin, juge et peut-être partie de cette réflexion fleuve sur le couple, la sexualité, la communication numérique et, finalement, le croisement des attentes, des désirs et du consentement.

Un contemporain « Fragment du discours amoureux », dont la sémiologie est celle des réseaux sociaux mêlant instantanéité et « emojis », qui s'attache à une analyse profonde de cette nouvelle forme de rencontre-séduction. La dualité de sentiments auxquels l'instant donne une puissance démesurée y est parfaitement restituée. Et il aura, finalement, sa nuit avec Marin, comme un coup d'un soir.

C'est alors que Mathieu Bermann surprend, s'engageant dans une mise en abîme fascinante : le narrateur est romancier, Marin devient son personnage et leur histoire un roman, ce roman du narrateur le sujet du second de l'auteur, « Dans le lit de Marin ». le narrateur, si réfléchi, serein et stable dans le premier roman devient auteur tourmenté, exigeant, égocentrique et abusif dans le second. Il vivait une histoire avec Marin dans le premier, il est le démiurge de son histoire avec son Marin (les deux pervertis par l'écriture romanesque) dans le second.

Une véritable trouvaille, un instrument narratif passionnant que ce double roman, qui constitue une pierre d'importance à l'édifice de la réflexion actuelle sur l'amour, le couple et le désir.

Reste le personnage de Sébastien, avec qui le narrateur vit depuis 14 ans. Conjoint non remis en cause mais personnage fantomatique, plus prétexte qu'existant. Aurait-il mérité un troisième roman ? Sa voix, très ponctuelle, manque souvent ; en même temps, son absence donne au roman sa singularité : c'est tout, sauf une histoire d'adultère. Et c'est magistral.
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