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Critique de Luxi


A travers la voix de son fils, on découvre Juan Vega, artisan catalan, à qui Marie Malcaras vient apporter une chaise en morceaux. Ledit Juan va ruser pour revoir la jeune femme, ce qui le conduira tout droit à l'adresse du Chabanais, une célèbre maison close réquisitionnée pour les officiers du Reich. A partir de cet instant, tout s'enchaîne pour Juan.
Si l'intrigue prend place en pleine Occupation allemande, ce n'est pas pour autant que l'auteur tombe dans le pathos – au contraire – et c'est ce qui m'a plu. On éclate de rire, on suspend son souffle, on a le coeur qui saute, on a les cils qui brillent. Les émotions se suivent sans temps mort : on s'inquiète puis on sourit, on est attristé puis ravi.
La voix du fils, Eduardo Vega, encadre le début et la fin de ce roman. Il nous présente ce père singulier dans le premier chapitre du roman puis nous rejoint une seconde fois pour les dernières pages, au moment de le quitter. Si l'action prend lieu au départ dans un atelier, on pénètre très vite le milieu du spectacle. On croise des écrivains, acteurs, réalisateurs et artistes de tous genres. C'est frais, authentique, à la fois grave et léger. L'écriture est délicate, habile dans la farce, poétique dans la peine.
Je dirais que ce livre évoque ces milliers d'actes individuels d'audace et d'intrépidité, immenses ou minuscules, qui ont marqué l'Occupation. C'est un roman de beaux gestes, accomplis à un instant T par des anonymes devenus grands. C'est cet homme-ci qui tape comme un fou sur une machine à écrire des textes appelant à résister ou cette femme-là qui se joue d'un SS derrière son dos. Mais où il y a de beaux actes, il y a aussi des laideurs. Ce roman suit aussi cet homme qui revend au marché noir des meubles confisqués à des familles juives ou cette femme qui s'enfuit avant que ses actes crasseux ne la condamnent.
Méli mélo d'âmes plus ou moins pures, de valeurs parfois bafouées, de courage magnifique et de lâchetés inattendues. « On se connaissait, s'appréciait ou se détestait au gré des intérêts et des servitudes », écrit Edouard Bernadac. Et finalement, on se rend compte que la frontière est si étroite entre la beauté et la disgrâce, le basculement est si facile de la témérité à la faiblesse momentanée. Un instant surhomme puis deux heures plus tard judas... On peut sauver quelqu'un de la main droite et trahir de la gauche. Mais voilà, c'est la guerre. Et la guerre bouscule tout ce qui fait l'être humain.
J'aime ces romans qui posent cette insupportable question du : l'aurais-je fait ? Allégé par ces touches d'humour distillées au fil des pages, le livre se fait spectateur du petit peuple, parfois grand, parfois plus sournois. Ce « Faubourg des minuscules » est un très joli roman qui recadre les jugements hâtifs et trop souvent entendus. Un bel hommage aux petites gens dont on ne connaît pas les noms mais qui ont, à leur toute petite échelle, par un acte orné de fourberie ou d'élégance, changé le cours de la guerre.
Je remercie Babelio et les éditions Héloïse d'Ormesson.
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